LE PSCHIIIT !

Ce sont les activités du jour qui nourrissent mon billet.

Pourquoi doit-on « dégazer » un vin ? Peu de gens parlent de cette manipulation, qui détermine pourtant de manière importante la première sensation (tactile et gustative) au moment de l’ouverture de la bouteille.

En cours de fermentation (aussi bien alcoolique que malo-lactique), les processus métaboliques dégagent du gaz carbonique (dioxyde de carbone, CO₂), en partie soluble dans le vin. Il y atteint donc des taux qui peuvent être importants (au-delà de 1000 mg/litre). Or, en se réchauffant au contact des muqueuses, et déjà dans le verre (agitation, air évidemment non saturé), le vin atteint un autre état d’équilibre que celui qu’il avait dans la bouteille et il se forme un petit dégagement. Si celui-ci est important, on perçoit un léger frisant, qui peut aller jusqu’à un pétillement. Parfois, les consommateurs pensent – à tort – que le vin a « travaillé » en bouteille. Toutefois, le gaz carbonique est aussi porteur d’arômes. Regardez ce qui se passe dans les vins effervescents, au bouquet souvent renforcé.

En outre, en se combinant à l’eau contenue dans le vin (80 % du volume quand même, au moins !) le gaz carbonique entre dans un système à l’équilibre très pointu, qui contient du CO₂, de l’acide carbonique et des (bi-)carbonates. Evidemment, l’acide carbonique est ... acide, tandis que le bicarbonate est légèrement alcalin. Ils influent ainsi sur la perception gustative et notamment la sensation de fraîcheur en bouche.

Hormis cela, le gaz carbonique « protège » le vin : de l’oxydation d’abord, des développements microbiens en outre. Il permet donc un usage plus modéré des sulfites.

Pour toutes ces raisons, beaucoup de vignerons, et la majorité des oenologues, apprécient un taux de CO₂ « élevé » dans leurs vins. Or, c’est le mode d’élevage qui va déterminer les quantités présentes (et la température dans la cave). En effet, plus le vin est « bougé » (soutirages notamment) et plus il voit du bois (légèrement perméable aux gaz), plus il va se dégazer spontanément. Par contre, un vin conservé dans l’inox, sous protection de gaz carbonique – il est évident que l’utilisation protectrice du gaz carbonique ajouté entre aussi en ligne de compte – et peu remué (rouges très fruités, blancs et rosés en général) se dégazera très peu. Dans ce cas, car « trop c’est too much », on procédera peu avant la mise à un dégazage par entraînement à l’azote, généralement. Il ne s’agit pas d’une réaction chimique mais bien d’un phénomène physique. En faisant barboter dans le vin de très petites quantités d’azote (gaz insoluble dans le vin et non réactif), il « entraînera » avec lui du gaz carbonique en s’échappant.

Notez, à l’inverse, que certains vins (élevage long en barrique, soutirages fréquents, cave chaude etc ....) manquent de CO₂. Il faudra alors au contraire les « regazer » à la bonbonne.

Il est généralement admis qu’on essaie de conserver autour de 400-500 mg/l de CO₂ dans les vins rouges et un peu au-delà dans les autres couleurs.

Vous aurez compris que le mode d’obturation va aussi avoir son mot à dire. Un bouchon en liège neuf et très dense, un matériau synthétique et une capsule ne laisseront pas passer de gaz. Un bouchon plus poreux tolèrera un échange.

Enfin, petit événement amusant, le « pschiiit après rebouchage ». Si vous buvez la moitié d’une bouteille capsulée, et remettez ensuite la capsule en la serrant bien, puis la bouteille au frigo – ce que je conseille, elle émettra un « pschiit » léger au moment de sa réouverture. Est-ce à dire que le vin a fermenté dans votre réfrigérateur ? Non, simplement le gaz carbonique captif s’est mis en équilibre entre le vin encore contenu dans la bouteille et le creux de celle-ci. Au sortir du frigo, la température se réchauffe, ce gaz se dilate (merci Boyle et Mariotte) et il s’échappe au débouchage. CQFD.