EN ROUTE VERS UNE "CUVEE ROC BLANC"

Le Roc Blanc est un

lieu-dit sur la commune d'Estagel, nommé d’après un promontoire rocheux de couleur claire, ilôt calcaire dans un océan de schiste brun.

Sur les schistes, j’ai deux hectares de « vacants communaux » plantés en 1987 : moitié carignan, moitié grenache-lladoner.

L’endroit est aride et tous les voisins ont fini par arracher : trop petit rendement. Deux promoteurs, l’un allemand, l’autre espagnol, ont planté l’année dernière des mâts de mesure anémométrique en bordure de mes vignes. Je sais donc que bientôt un parc éolien viendra me gâcher le paysage. Je n’ai ni le temps, ni le courage d’entamer une bataille juridico-écologique contre le grand capital multinational du vent ... et la mairie pourtant communiste d’Estagel, qui devra in fine donner l’autorisation.

Cette année, la vendange a été "pléthorique". Jugez plutôt : 119 caisses de carignan (environ 1500 kg de raisin brut) soit le double des autres années et 70 caisses de grenache ( environ une tonne) soit la moité des autres années - la fleur s’est mal passée pour le grenache, ou peut-être est-ce la première génération d’eudemis, que je ne couvre pas. Comme les baies de carignan sont plus grosses, les caisses de grenache pèsent un peu plus lourd. Réfléchissez, il y a une logique, même si elle n’apparaît pas immédiatement.

D’ordinaire, le carignan y est savoureux et le grenache exceptionnel mais il mûrit très lentement (manque d’eau) et en donnant beaucoup d’alcool. Tous deux entrent dans la Cuvée Majou, chaque année. Ils lui confèrent le côté pruneau et fruits à l’alcool, tandis que les grenaches de Maury apportent la puissance et la finesse de ce grand terroir.

Cette année, la donne est différente : le carignan est tout simplement somp-tu-eux, du niveau du vignoble de La Loute, et d’un velouté incroyable (près de 16° potentiel à la vendange, plus après relargage en cuve). Laurent Duret, mon oenologue – qui fera l’objet d’une page dans les semaines qui suivent – partage mon avis et est très impressionné. C’est pour moi la récompense de 7 années de travail entêté, contre l’avis de tous : il faut maintenir le Roc Blanc en production. Agnès Graugnard, l’oenologue-vigneronne de l’excellent Domaine Arcadie à Tautavel, avait la parcelle voisine de la mienne en fermage, un peu plus protégée du vent et un rien plus productrice pourtant – heureusement pour elle. Mais on l’a arrachée cette année : je ne sais si c’est le fait du propriétaire qui la lui louait, peut-être désireux d’accueillir les éoliennes, ou d’Agnès elle-même qui, après avoir effectué un travail de remise en état très courageux pendant deux ou trois ans, a fini par jeter l’éponge devant le maigre rendement (bien moins de 15 hl/ha, même là), en dépit de la qualité du raisin.

Donc, le carignan rejoindra pour partie La Loute, pour la Cuvée du Jubilé (ma fille a eu 20 ans en janvier) que je veux somptueuse et qui le sera - إن شاء الله ! - et on créera un Majou « Roc Blanc » en assemblant l’autre partie avec le grenache du lieu-dit, lui-même exceptionnel de velouté et de charme à ce stade. Les membres de ma famille présents ont tous contribué à piger au pied cette cuve et la douce illustration de ce billet vous présente Lo et Steph’ke in volle minneparade au sommet de la cuve. 

Je pense que ces soins diligents apporteront le petit plus

qui fait le grand vin !