ACHILLE M'A TÉLÉPHONÉ

Le Galantin 1985
Le Galantin 1985

 

 

 

 

Bon, Achille t’as téléphoné, et alors ?

 

 

Commençons par le début,

way back in 1987, je crois.

 

J’ai débarqué de nuit dans un gîte rural, pas inscrit aux « Gîtes de France » mais authentique et bien mignonnet quand même, à l’invitation d’Achille et Liliane Pascal, quelque part dans le Var. On avait laissé la clé sur la porte et du rosé au frais dans la glaciaire.

Ceci a marqué le début d’une grande amitié.

Au matin, j’ai découvert un couple de vignerons – vous l’aviez déviné – chez qui j’allais passer, dix années durant, la meilleure partie de mon temps libre.

 

 

 

 

 

Ils m’on appris, par l’exemple, l’essentiel de ce qu’on doit savoir sur la vigne et le vin, mais aussi sur la vie rurale, sur les déceptions possibles dans le milieu viticole. Ils m’ont mis en garde contre les visions urbaines, idylliques, angéliques du retour à la terre.

En échange, je n’ai pas grand chose à faire valoir à l’heure du bilan : je leur ai peut-être montré un type de citadin passionné et plus sincère, qu’ils ne connaissaient pas. J’ai accueilli leurs enfants, qui ont pris le relais maintenant à la propriété, lors de leurs séjours en Belgique. J’ai pu servir d’intermédiaire pour quelques marchés occasionnels, quelques clients de-ci de-là.

C’est chez eux que j’ai subi ma première crise de goutte – un calvaire surtout qu’elle est survenue en pleine nuit, par une sombre soirée d’octobre, et que je ne me suis douté du diagnostic exact (« When in doubt, think of gout », dit le proverbe) que lorsque tout mon membre était déjà raide, que la fièvre m’avait envahi, et que la moitié distale de la jambe présentait un écarlate de mauvais aloi. Bien entendu, pas une seule pharmacie accessible dans un périmètre de 30 km !

C’est eux qui m’ont appris à tailler : en fait, c’est surtout Jérome, le fils de la maison.

 

Il y a quelques années, ce même Jérôme est venu me rendre visite, avec la jolie Sonia, son institutrice d’épouse - une Aquisextaine allemande par sa maman et russe de père - et ses enfants. Il s’est étonné du « peu d’entretien » des vignes du Roussillon et nous sommes allés suivre tous ensemble une visite guidée brillante d’intérêt et d’intelligence au Château de Quéribus. Moi, j’ai été très fier de lui montrer ma modeste propriété – menée sans désherbant !    

 

Au printemps 2009, Achille redescendait vers la Provence, après avoir récupéré sa femme partie en cure thermale dans le Sud-Ouest. Je n’ai pas pu les recevoir au moment précis de leur passage – en dépit de mon désir brûlant de le faire. On ne s’étendra pas ici sur les circonstances mais ils en ont déduit que je ne faisais pas l’effort de les accueillir et ... toute la famille m’en a voulu, avec acuité.

Cette histoire constitue le malentendu le plus pénible à vivre de toute ma vie et j’ai déployé des efforts – maladroits sans doute – de diplomatie pour leur démontrer ma bonne foi.

Enfin, à l’hiver, j’ai osé pointer le nez à la porte du domaine : officiellement pour leur faire goûter mon dernier millésime et pour déguster le leur. C’est Céline – le portrait craché de sa mère, au physique comme au moral - qui vinifie à présent avec un doigté et un talent impressionnants. Son mari, "Olive", s'occupe lui de tout le matériel agricole de la propriété de ses parents, dans le massif des Maures.

Jérôme, après m’avoir salué gentiment, me lança :

- « Bon, faut que j’y aille, à présent. Je n’ai pas beaucoup de temps. Tu sais ce que c’est ! ».

Oh le salaud ! Mais il alliait l’humour à ce qui semblait un début d’armistice.

 

Je ne suis plus retourné au Plan-du-Castellet depuis lors, malgré un passage de quelques heures à la Fête du Vin de Bandol, qui se tient chaque année lors du premier week-end de décembre. J’ai téléphoné quelquefois et nous avons échangé quelques nouvelles.

 

En pleine vendange, et c’est la raison – outre mon embarras – pour laquelle je n’ai pas rédigé ces lignes plus tôt (car je n’en ai pas eu le temps , je le jure !), Achille m’a téléphoné et nous nous sommes échangés toutes les nouvelles, longuement, avec une allégresse particulière en ce qui me concerne.

Je suis pardonné.

 

 

Et j’en profite pour vous offrir un KIMAPLU :

Domaine Le Galantin 1985, AOP Bandol rouge

 

Le Domaine Le Galantin a vu ses premières mises en 1972-3, un an après la naissance de Jérôme. J’ai bu tous les millésimes de 1975 à 2007.

Il y en a eu cinq de moins bons : 1977, 1983, 1984, 1991, 1992.

Il y en a eu de superbes : 1978, 1979, 1982, 1985, 1988, 1989, 1990, 1995, 1998, 2001, 2005. Tous les autres sont très bons.

Il faut dire qu’Achille était un admirateur de Lucien Peyraud (Domaine Tempier), qui a porté l’appellation sur ses fonts baptismaux avec le Suisse Roethlisberger et la Comtesse Portalis. Il en a partagé la foi et les convictions : la qualité, le mourvèdre, un cahier des charges exigeant.

Liliane divisait son temps entre l’île de Bandor (propriété de la famille Ricard) où elle travaillait, et l’exploitation où ... encore elle travaillait.

 

Ce 1985 – il m’en reste des magnums, je crois – appartient à l’une des 2 mises en 75 cl, celle avec l’étiquette « naïve » unicolore. La robe commence à s’éclaircir et le premier nez est goudronné uniquement. A l’aération, le bouquet se développe dans un registre de cannelle, de clou de girofle, d’écorce d’orange, de thym et de pruneau à l’eau-de-vie. C’est un mourvèdre tertiaire qui parle – il constitue la majeure partie de l’encépagement. En bouche, l’attaque est un peu austère (volatile + tannins) d’abord, puis le gras et l’ampleur apparaissent, surtout face au jambon de Pata Negra que je lui avais opposé – car j’essaie de bien recevoir les amis.La finale est suave, caressante, encore vive et de bonne longueur.

 

Pour la petite histoire, le domaine ne disposait pas d’égrappoir à l’époque et Achille vendange tard ses mourvèdres, ainsi que ses meilleurs grenaches. C’est, dans ma jeune expérience aussi, le meilleur moyen d’obtenir une trame tannique de qualité sans avoir recours au bois neuf. Il n’a pas peur des « vraies cuvaisons » et n’aime pas trop soutirer le vin à tout bout de champ en cours d’élevage (foudres de 60-80 hl environ, à vue d’oeil).

Vous comprenez les choix de la Coume Majou, à présent ?

 

 

Tiens, je vais me risquer à leur envoyer un lien.

Ils verront ainsi que je leur suis ... attaché !

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Cheap Foamposites (mardi, 20 mars 2012 10:40)

    Wow, my god! Incredible articles. Really is well written.