LORGNER N’EST PAS JOUER !

 

 

 

 

 

 

 

 

« .... On top of the green filing cabinet in his study, sir,

when you happened to go in there

by yourself before dinner ... »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment reconnaît-on un vin (à l’aveugle) ?

 

 

Bien entendu, la savoureuse anecdote de Roald Dahl à propos du Saint-Julien qui faillit marier une jeune fille, et plein d’autres, nous indiquent que « Un petit coup d’oeil sur l’étiquette vaut mieux que 30 années d’expérience », mais là, ce n’est plus vraiment à l’aveugle mais bien « Au vu et au su de mon plein gré ! ».

 

En fait, on ne « reconnaît » un vin (ou un type de vin) que parce qu’on le « connaît » déjà. Il s’agit de mémoire gustative. Lorsque j’étais en Belgique, j’ai eu quelques succès de « dégustation à l’aveugle » et pourtant, moi que la modestie n’étouffe pas, je n’en ai jamais tiré gloire.

 

Mais il faut aider sa mémoire. D’abord en dégustant beaucoup et souvent, et en essayant d’analyser les vins qu’on boit. Chez les professionnels du vin, c’est devenu une deuxième nature, surtout pour ce qui est des sommeliers et des vignerons : au point même que cela nous gâche parfois le plaisir, tellement on cogite. Et aussi en s’astreignant à une espèce d’algorithme, d’arbre de reconnaissance : je pense que c’est plutôt ceci et pas ça, donc .... et ainsi de suite.

 

Le type qui « devine » car lui « sait », cela n’existe pas, ou alors il a triché.

 

Une série de courtes anecdotes :

 

. Belgique 1986 : mon fils aîné a vu le jour en 1984. A l’époque (avant l’osmose inverse et les prix démentiels), j’achetais quelques bouteilles de Bordeaux à mettre en cave. Toujours Ch. Margaux (à mon avis plus souple et plus fruité que les autres Médoc, tout en étant de bonne garde), souvent Montrose, souvent un des Léoville, Sociando-Mallet et ... ce qui me plaisait.

On m’a fait goûter un vin un peu vert, mais savoureux, puissant et ne manquant pas de finesse. J’ai dit sans hésiter : « Cos d’Estournel 1984 » et c’était cela. J’en avais acheté six bt la veille, après l’avoir goûté.

 

. Bandol, au cours du repas vigneron du vendredi soir lors de la « Fête du vin de Bandol », quelque part dans les années ’90. On n’y sert QUE du Bandol et je connais bien ces vins. Arrive un flacon assez évolué, mais pas fluide, avec une belle charge tannique. Je jouissais à l’époque sur l’appellation d’une réputation de « spécialiste du cru » et mon honneur (fatuité ?) était donc en jeu. A la surprise générale, car le domaine n’a pas comme image de produire des rouges de garde, je reconnus le 1982 de Jules et Freddy Estienne au Domaine de la Laidière. On m’en avait servi une des dernières bouteilles quelques mois auparavant.

 

. L’été dernier en Lomagne : un « touche-à-tout » du vin de mes amis me fait le plaisir de m’inviter à passer quelques jours chez lui – endroit idyllique d’où on ne distingue pas Golfech – et ... les bouteilles valsent. A un moment donné, nous dégustons quelque chose de très bon, quoique légèrement boisé, âgé d’une dizaine d’années et je dis : « C’est un Cahors de telle année, mais je ne sais pas lequel ». Médusé, car le vin présenté ne se rencontre guère en Europe continentale, notre hôte révèle alors qu’il s’agit en fait d’un vin chilien, à grosse majorité de ... malbec, que lui-même a contribué à produire en 1999.

 

. Enfin, ce samedi en Ariège – ça sonne un peu comme « un samedi soir sur la terre », non ? Je laisse le choix au sommelier – comme d’habitude – mais souhaite DES vins au verre, car Christine récupère d’un excès chronique de foie gras et de chocolat fondant et ne boira pas d’alcool. Le premier verre, pâle, bien frais, est indubitablement (unmistakingly) un sauvignon. Mais il n’est pas ligérien, ni aquitain. Et pas italien/slovénien/autrichien non plus. Je pars sur la fraîcheur de la Nouvelle-Zélande et signale que j’ai passé deux jours (importateur commun à Ostende) avec Arnaud Bourgeois. Mon interlocuteur blémit et nous montre une bouteille de « Petit Clos » (Clos Henri Vineyard, Marlborough County).

 

Vous voyez qu’il n’y a pas de secret : déguster (ou avoir dégusté) beaucoup pour se faire une « bibliothèque des flaveurs », déduire et en avoir déjà bu de semblable. Full stop.

 

Et on termine sur l’anecdote inverse :

On est en 1995 (environ), dans une salle-à-manger bourgeoise de la périphérie bruxelloise. Attablés, quelques cardiologues et leurs épouses (ni secrétaire ni maîtresse ce soir-là), mon ami Xavier et Jean-René Nudant, le célèbre et excellentissime vigneron de Buisson. J’ai carafé trois rouges que nous buvons avec délice. Jean-René me dit : « Celui-là, c’est mon Bressandes 1985 ». Et il a raison. Ensuite : « Ça, c’est le Renardes 1985 de Capitain et c’est réellement très bon ». Et il a encore raison, alors que son entente avec le collègue n’est pas parfaite. Enfin : « Et voilà un autre 1985, mais sans doute de la Côte de Nuits, je ne le connais pas ».

A cet instant, assez fière, une des épouses – ancienne infirmière, femme très sympathique par ailleurs, mais pas réellement experte en vin et qui n’avait certainement jamais bu de celui-là – annonce le front haut : « Je pense que c’est une Romanée Saint-Vivant ». Elle avait raison mais .... avait passé 10 minutes à soulever les couvercles et à bavarder dans la cuisine, où les trois bouteilles servies se trouvaient bien en vue.

 

A l’aveugle, vous dis-je, à l’aveugle .... et sans vergogne.

 

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    MusCad (mardi, 12 juin 2012 01:18)

    Pour cette réponse à la noix... : les étiquettes ne servent donc à rien