UN POIL DE PRÉ -MARKETING

 

 

 

 

Je pense que La Loute 2010 tiendra encore ... deux mois dans la cave. Je veux parler de mon stock, bien entendu, pas de sa possibilité de garde.

 

Cette cuvée possède une histoire singulière.

 

 

 

 

Fin 2004, deux petits papys, les frères Badrignans, âgés de 78 et 80 ans, me proposent à la vente un  package de vieilles vignes cises à Baix et Alt de Coume Majou ainsi qu’au Rec d’en Cruels. Je prends option.

 

Fin juin 2005, le fameux « oïdium de la Saint-Jean »* prend possession d’une parcelle de vieux carignan et, malgré mes tentatives de soins, il s’étendra tellement que je décide de ne pas la vendanger, à la fin septembre. Rassurez-vous, le cousin d’un de mes vendangeurs, coopérateur apportant ses raisins à une des grosses structures locales, lui cueille les raisins qui vont faire le bonheur du « Château Monappendix Vieilles Vignes, desséché en fûts de chêne selon la tradition séculaire ». Exit le millésime 2005.

 

Fin octobre 2006, le jus de la même parcelle, vinifié séparément car entretemps les papiers du notaire m’ont appris - d’accord avec le cadastre informatisé de l’Administration Centrale des Douanes - qu’il s’agit d’une vigne plantée en 1922, me surprend par son fruité et par la douceur de ses tannins. Je décide de l’incorporer dare-dare dans la Cuvée du Casot 2006, le sommet de gamme dont le millésime précédent – my maiden voyage - avait été encensé par le Guide Hachette, ce dont je m’étais réjoui avec une légitime fierté. La maison ne fait pas dans la fausse modestie.

 

Fin septembre 2007, rebelotte. En dégustant les baies, je refais le même constat : un fruité exquis et la promesse de beaux tannins. J’avais retenu la leçon des années précédentes et j’ai bichonné cette cuve : une moitié a rejoint la Cuvée du Casot 2007, l’autre fut mise en bouteille séparément, sous la dénomination Vin de pays des Côtes Catalanes, après que le comité d’agrément l’ait trouvée « conforme ». Ainsi naquit la Loute de Coume Majou 2007. Il en reste 36 bt dans une niche que je me réserve.

 

Vous connaissez la suite : Werco Wines et Bernard Poulet S.A. vendent les dernières bouteilles de la Loute de Coume Majou 2008 ... et j’en ai également 24 pour moi en réserve.

 

Vient le début octobre 2009. Il faut faire un constat détestable : la tramontane qui souffle depuis 10 jours et la sécheresse épouvantable du millésime ont diminué de manière drastique ma vendange. En plus, les peaux sont très épaisses et les pulpes « collent aux pépins ». Je n’ai que 300 litres de vin clair pour finir, malo faite. L’entièreté rejoint la Cuvée du Casot 2009, sans doute le vin le plus élégant et le plus subtil élaboré au domaine à ce jour. Pas de « Loute » en 2009.

 

Pour le millésime 2010, la partie la plus basse du carignan qui pousse au Rec d’en Cruels, datant de 1950, jouit d’une arrière-saison fantastique et, quoique de petit degré (13 vol %), je lui trouve des arômes framboisés succulents. Je décide de l’ajouter à la parcelle située sur Alt de Coume Majou et ainsi naît la Loute de Coume Majou 2010 : waw un millier de cols ! C’est certainement la plus fine, la plus vive et la moins charpentée des « loutes ».

Nous en avons commencé la vente en avril et ... il m’en reste moins d’une palette à présent, avec quelques adresses hupées parmi nos clients. Jugez-en plutôt :

. le Jardin des Sens des frères Pourcel à Montpellier, à la fois Relais et Châteaux et étoilé Michelin, avec comme sommelier l’excellent Yannis Kherachi, toujours en quête de bouteilles à forte personnalité pour tous les restaurants du groupe, et sur tous les continents

. la Barbacane à Carcassonne, restaurant étoilé du réputé Hôtel de la Cité, avec Georges Garcia, un des sommeliers les plus chevronnés et écoutés de France, qui dirige aussi l’établissement et forme en permanence plusieurs jeunes sommeliers à sa suite

. le Domaine d’Auriac, Relais et Châteaux et étoilé Michelin également, où Franck Sakhinis, très fin dégustateur, règne en maître sur une cave inventive ....

 

Et arrive 2011 : nous passons à la « Cuvée du Jubilé » tant il est vrai que Virginie, alias La Loute, a fêté ses 20 ans cette année-là. Le hasard ( ? ) de la climatologie nous a donné les plus beaux carignans que j’aie jamais récoltés et j’en ai fait la vendange très tard, à un niveau de maturité exceptionnelle. Une partie du carignan qui entre dans le Roc Blanc, issu de la parcelle du même nom, plantée en 1987, a également rejoint l’assemblage. Nous avons environ un millier de cols d’un vin dense, presque noir, mis en bouteille en avril sans filtration et sans sulfite (zéro de SO₂ libre) et frisant les 15 vol %. On a choisi une obturation par bouchon en verre, offrant tous les avantages de la capsule à vis, et un plus esthétique en sus !

 

Nous en avons bue une avant-hier en accompagnement d’une entrecôte de race limousine et son fruit nous a explosé au visage, tandis que ses tannins, d’un velouté incroyable et encore adoucis par l’absence de sulfite, nous ont caressé le palais.

 

Mon problème face à la Loute se résume à deux aspects : son rendement très faible (< 10 hl/ha) la rend rare et augmente d’autant son prix de revient, d’une part, et son style varie fort d’un millésime à l’autre, d’autre part. Comme elle est – essentiellement – le fruit d’une seule parcelle, même si 2 ou 3 hl venant d’ailleurs la rejoignent certaines années, il m’est très difficile de lui assurer un caractère formaté, invariable. C’est tant mieux pour l’amateur de vin mais c’est difficile commercialement parlant.

 

 

* le fameux « oïdium de la Saint-Jean » n’a rien de particulier. Il s’agit en fait de l’apparition, au cours de la 3^ème ou 4^ème semaine de juin, des premières manifestations visibles du champignon qui s’est installé insidieusement depuis la moitié du printemps.

 

 

 

 

TABLEAU RÉSUMÉ :

 

Loute 2005	Oïdium, pas de Loute	-
Loute 2006	Découverte du potentiel	Participe de la Cuvée du Casot 2006
Loute 2007	Belle maturité, puissance aromatique	Se déguste à merveille
Loute 2008	Mûre, fruitée	Elégante, se referme un rien
Loute 2009	300 litres de vin	Assemblée à la Cuvée du Casot 2009
Loute 2010	Fine, élégante, vive, peu corsée (13,8 vol%)	A boire sur le fruit ou à oublier longtemps
Loute 2011	Très grosse maturité, vin d’anthologie	Se boit fort bien pour l’instant
Loute 2012	... en gestation	-