RÉFLEXIONS SUR LA REMISE DE PEINE

Essayons de mieux les protéger
Essayons de mieux les protéger

 

Une fois n’est pas coutume,

ce billet sera judiciaire.

Je suis mal à l’aise,

et Christine est scandalisée,

face à la libération de Michèle Martin,

l’ancienne femme de M. Dutroux

dont on peut dire sans exagération qu’elle fut pour le moins sa complice.

 

 

 

 

Nous ne reviendrons pas sur les faits, ni sur les éléments de sa condamnation : je ne connais pas le dossier dans le détail et le degré d’horreur atteint est tel que les détails ont d’ailleurs peu d’importance. Il est fort possible qu’il y a eu des « protections » et des manoeuvres visant à ralentir l’action de la police, puis de la justice, sans doute parce que des personnages « importants » auraient pu être éclaboussés sinon inquiétés. Ainsi va la vie publique dans nos démocraties occidentales, fussent-elles monarchies constitutionnelles. Ce n’est pas non plus mon propos.

 

 

Mon malaise tient avant tout à une pensée que j’ai pour les familles des victimes et, plus égoïstement, pour les papas des jeunes filles, auxquels je m’identifie particulièrement. Ce n’est pas un appel au meurtre de ma part, et ce ne serait pas de la justice, mais je sais que je n’aurais de cesse que d’avoir éliminé les assassins de ma fille, le cas échéant, et quoiqu’il m’en coûte. Il s’agit d’une basse vengeance, condamnable et lâche à son tour, surtout que je suis un adversaire inconditionnel de la peine de mort. Moi, je sais qu’il faudrait me surveiller ou même m’enfermer si je me trouvais dans ce cas. J’ai honte de cette faiblesse mais « it’s beyond my control ». J’espère qu’aucun des pères ne sera pris de cette tentation.

 

Ma deuxième pensée va aux juges, que j’entends critiquer de toute part. Ils n’y sont pour rien et ne font qu’appliquer les lois sur les remises de peine. Notre législation pénale prévoit des libérations conditionelles, dès le tiers de la peine purgée dans certains cas. Si Madame Martin entre dans les critères de libération anticipée, les magistrats n’ont pas d’autre solution que d’appliquer la loi. Leurs états d’âme n’entrent pas en ligne de compte. Ils ne sont nullement criticables.

 

Une autre réflexion porte sur le métier d’avocat. Les anciens des facs de médecine éprouvent une certaine prévention envers les juristes – surtout ceux de la barre – et parfois envers les polytechniciens ; c’est une tradition. J’essaie de me défendre de ces a priori. Evidemment, tout prévenu a le droit d’être défendu, quel que soit son crime. Et il doit être défendu du mieux possible. En outre, j’ai entendu une déclaration de M. Thierry Moreau, avocat de Mme Martin, rappelant que la loi doit s’appliquer à tous et qu’elle ne doit pas souffrir d’exception. Il a raison.

 

Ceci nous ramène donc au point de départ : la condamnation.

Je suis convaincu qu’un emprisonnement ne sert qu’à une chose : protéger la société. Dans ce cas-ci, il s’agit de protéger nos ENFANTS. Une société qui tue les enfants des autres, cela se voit tout le temps dans l’histoire du monde, hélas. Mais une société qui ne défend pas les siens, c’est le comble de l’horreur à mes yeux.

La prison ne permet pas d’améliorer les gens, de les amender. Ceci, ce n’est pas un fait scientifique, c’est simplement ma propre opinion, et elle est contestable, j’en conviens.

La prison n’est pas dissuasive, pas plus que la peine de mort d’ailleurs. Ici, c’est aussi une opinion mais il est des milliers d’exemples qui le prouvent. Je rappelle que, du temps où l’on pendait en public les pick-pockets londoniens, des voleurs à la tire exerçaient leur art parmi les badeaux venus assister à l’exécution des larrons.

 

En corollaire, si un individu dangereux ayant commis de sang froid un crime, où y avoir contribué, est incarcéré, il doit l’être à perpétuité et cette peine ne saurait être écourtée. Je me rends compte des implications de cette opinion en termes de dureté pour les coupables, en termes de population carcérale et en termes de coût financier pour le contribuable. Il faudra sans doute aménager cette vision pour les crimes passionnels, où l’aveuglement passager ne risque pas de se répéter.

 

Dans le cas de Mme Martin, nous n’en sommes pas là. Elle n’a pas été condamnée à perpétuité. Elle a purgé la moitié de sa peine. Et elle rentre dans les critères de libération sous réserve de réinsertion. Des institutions religieuses se sont proposées, ou ont été sollicitées, pour l’accueillir. Je ne me permets pas de juger de leurs motivations (envie de satisfaire les instances demandantes, conviction profonde, mission, financières ....) mais il existe une tradition chrétienne de pardon et de « ramener les brebis égarées » et il me semble qu’elle suffit à le justifier. Je ne serai pas du nombre qui critique leur hospitalité, même si je ne m’en sentirais évidemment pas capable, ni désireux de le faire. Simplement, un couvent est un endroit retiré, à l’écart du monde. N’est-il pas possible de s’assurer que l’individu que l’on va y transférer ne s’en éloignera pas, jamais ? Une puce électronique ne me paraît pas inhumaine et serait une bonne garantie de confinement.

 

Mais le point le plus important reste la loi. Si une loi est mauvaise, nous sommes tous tentés d’y désobéir, moi comme les autres. Mais c’est une mauvaise solution : il faut tout faire pour changer la loi, au contraire.

 

Je suppose que des manifestations vont avoir lieu en Belgique : contre Mme Martin, contre les juges, contre les avocats, contre le couvent, contre l’abolition de la peine de mort ... Elles n’ont pas de sens. Il faudrait que la Belgique, à l’unisson, manifeste son SOUTIEN aux parents des victimes, ainsi que son empathie et exige une révision des peines encourues en cas de meurtre.

 

Il y aura toujours des meutriers de sang froid.

Il faut empêcher qu’ils puissent recommencer

et il faut rendre un peu de sérénité aux familles des victimes.

Tout le reste est du verbiage.

 

 

 

 

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Commentaires: 4
  • #1

    Patou (mercredi, 29 août 2012 10:17)

    Excellent résumé de la situation... No further comment.

  • #2

    S.Cadio (mercredi, 29 août 2012 16:48)

    Il me semble que si un détenu n'a aucun espoir de libération, alors il risque fort de se dire que, puisqu'aucune peine supérieure ne peut lui être appliquée, tout lui devient permis... même abattre ses co-détenus, le personnel carcéral... je n'ai aucune sympathie pour les matons, voilà bien un "métier" que je n'aimerais pas faire. Mais la société ne peut se priver de ses services. Ainsi donc, dans des conditions qui deviendraient pour le personnel un risque encouru chaque jour, qui accepterait de faire ce boulot là...
    Tu l'auras compris, je ne suis donc pas d'accord avec toi lorsque tu parles de peine à perpétuété. Il suffit de se mettre dans la peau du condamné qques minutes pour comprendre que personne ne pourrait supporter pareil..."objectif" qui consisterait à rester un agneau sage et coopératif jusqu'à la fin de ses jours.

  • #3

    Luc Charlier (mercredi, 29 août 2012 21:19)

    Tu as raison, Sylvie. C’est une objection que j’ai entendue souvent, et qui m’était venue à l’esprit spontanément, depuis que j’ai 16 ans. A l’époque j’avais pondu un petit essai – très scolaire – sur le « Mythe de Sisyphe » et « Réflexions sur la guillotine ».
    Le seul espoir de ces gens est ... d’être encore en vie et dans des conditions de détention matérielles bien meilleures que la vie quotidienne des prolétaires de nos sociétés capitalistes contemporaines, si si.
    J’admets la contradiction. Mais « perpét. », c’est commuer la peine capitale en quelque chose de plus humain, enfin, il me semble. En plus, on peut toujours se suicider, si on en a la force.

  • #4

    s.cadio (jeudi, 30 août 2012 11:13)

    J'insistais particulièrement sur l'inévitable dégradation des conditions de travail du personnel pénitentiaire dans la mesure où nombre de détenus n'auraient plus aucun espoir de se revoir un jour de l'autre côté des grilles.
    Quant aux conditions de vie des détenus, je n'ai jamais à ce jour été hébergée dans aucune prison et Dieu m'en garde, mais pour avoir en d'autres temps fréquenté des personnes qui y ont fait des séjours je n'ai jamais eu le sentiment que ce fût une condition enviable. Le mythe de la prison 5* a sans doute encore de beaux jours devant lui. Sauf à supporter la promiscuité je ne vois pas de quelle façon on peut se sentir à l'aise en prison. Pierre Botton rapportait comment une toute petite blessure était devenue, faute de soins, beaucoup plus grave. Alors qu'un simple désinfectant aurait suffi à enrayer le mal il en a chié des semaines durant. Il était pourtant parmi les "VIP". Je n'ose pas imaginer comment est traité "le tout-venant"...