UN PORTRAIT AMICAL QUI COMMENCE SUR LE MODE MINEUR

Oh, la belle bleue !
Oh, la belle bleue !

 

Après mon billet précédent, forcément un rien solennel, je voudrais m’offrir une transition en douceur vers un portrait amical : celui d’un grand connaisseur en vin devenu un fidèle du

Domaine de la Coume Majou.

 

 

 

 

Je ne vais pas faire le faux-cul : je n’ai délaissé la télévision chez moi que vers 2000-2001, sans doute pour ne plus payer de redevance – même si celle-ci a été supprimée en Flandres à un moment ou un autre. Mais je la regardais fort peu. Pourtant, je faisais passer mon internet par le cable, cette solution assurant à bon compte un débit élevé. Le même vecteur nous proposait environ 60 chaînes gratuites et il serait mensonger de dire que je n’ai jamais entendu parler de

Jean-Luc Delarue, de ses oreillettes et de ses addictions. Par contre, je ne le reconnaîtrais pas en photo. Il est décédé récemment, d’un cancer de l’estomac, nous dit-on.

 

Un viticulteur, fils d’un collègue ami et élément essentiel au sein de l’exploitation viticole de sa famille, a subi le même sort il y a une paire d’années, bien que le diagnostic exact ait fait mystère pendant quelque temps. Pire encore, sa maman a été emportée il y a peu par un cancer du pancréas, à ce qu’on dit. Je n’ai aucun détail supplémentaire et ne les communiquerais pas, de toute façon.

 

Et voici le lien avec mon « ami du jour ». C’est en lui rendant visite au cours de l’été, rosé et blanc de Coume Majou à la main, que je lui ai demandé s’il voyait un lien entre ces deux décès : il est en effet gastro-entérologue de son état, et l’un des plus compétents.

 

Il m’a confirmé dans mes idées premières : outre la piste des produits phyto-sanitaires – mais aucun des deux cas cités n’étaient les tractoristes attitrés du domaine – et, outre la possibilité d’une prédisposition familiale aux néoplasies, il fallait simplement s’assurer qu’il ne s’agissait pas chez la mère et son fils de la même affection gastrique, auquel cas le rôle d’une bactérie à Gram négatif, Helicobacter pylori, mériterait d’être soulevé. On sait que ce microbe est responsable de gastrites chroniques et d’ulcères gastro-duodénaux (80 % d’entre eux en fait) mais aussi de cancers de l’estomac. On sait qu’il a une propension à infester/infecter toute une famille. Il serait d’ailleurs présent chez 50% des individus dans les populations étudiées et l’estomac humain est son principal réservoir. On peut néanmoins l’éradiquer et son dépistage est aisé. Il a donc clairement des implications préventives pour les proches des victimes décédées. Cela étant posé, je suppose que les médecins ayant traités ces cas savent cela aussi bien (mieux ?) que moi et ont pris les mesures nécessaires. Je ne m’en mêlerai pas.

 

J’ai rencontré Alain, car c’est de lui qu’il s’agit, au moment où j’animais avec quelques copains une modeste structure, « Les Amis du Vin », qui importait sur une petite échelle des vins des quatre coins de France – qui en compte pourtant six – en réalisant des groupages amicaux. Et je vous jure qu’importer du vin sur une échelle nécessite beaucoup de soin et prend du temps ! C’était à la fin des années ’80.

 

Il aimait par-dessus tout le Bourgogne, avec une tendance à les préférer légèrement évolués, au moment où ils ont perdu leur fruité premier pour prendre des bouquets plus « fermiers » et oxydatifs. Il m’est arrivé, par jeu, de le taquiner à ce sujet, quoique j’apprécie aussi une certaine évolution dans les pinots noirs. Pour le chardonnay, nous avons à peu près les mêmes goûts, même si je me montre beaucoup moins indulgent que lui envers la Côte d’Or, qui nous déçoit si souvent.

 

Nous ne nous sommes pas vraiment perdus de vue depuis, mais deux circonstances spéciales ont rendus nos contacts plus fréquents : du temps où je travaillais pour un grand groupe pharmaceutique britannique, très intéressé (au propre et au figuré) au traitement de l’Helicobacter, notre Alain faisait partie d’un groupe de cliniciens et de chercheurs très actifs dans ce domaine – je citerai de manière non exhaustive Y. Glupcynski, M. Deltenre, S. Cadranel et mon ancien (excellent) interne Erik De Koster. Ensuite, mon accession à la qualité de vigneron lui permit de goûter ma production, d’autant que dix années s’étaient écoulées et que sa – quasi – monomanie bourguignonne avait laissé un peu de place à d’autres types de vins également. Il me semble que c’est une évolution typique : on commence à s’enticher d’une région viticole – qui garde souvent notre préférence, c’est bien normal – et puis on en découvre d’autres. La seule exception à cette règle me semble être le Bordelais. La plupart de mes amis qui ne juraient que par lui – il y en avait quelques-uns – ont fini par presque totalement bouder la Gironde. Sans jamais focaliser mon intérêt sur les GCC uniquement, j’ai eu moi-même beaucoup de goût pour le Bordeaux, en toute sincérité, jusqu’au milieu des années ’80. Le millésime 1986 fut le dernier à susciter ma passion et l’avènement des techniques sophistiquées comme l’osmose inverse, mais pas seulement, m’en a bien vite détourné par après. Je n’en bois plus jamais, sans doute à tort d’ailleurs.

 

Donc, à partir du moment où Xavier Erken – notre « petit retraité » à présent, et John après lui, organisèrent la dégustation de mes vins du côté de Ganshoren, de camarade il devint aussi client. Je pense même qu’au début, il a acquis certains de mes produits sur les conseils de quelques autres amateurs et par sympathie personnelle, tout en émettant quelques bémols sur leur côté « sudiste » et « plein ». Avec le temps, je suis heureux de constater que ces réserves ont disparu : d’une part, l’évolution assagit ma production ; d’autre part, l’expérience que j’accumule me permets de gommer, non pas la personnalité des vins, mais leurs aspérités trop vives ; et enfin, le palais d’Alain s’est un peu habitué au soleil roussillonnais, si flamboyant.

 

Le dernier stade sera une visite au domaine,

que j’espère pouvoir organiser dans les meilleurs délais :

vous êtes plus que les bienvenus ici, toi et les tiens.

 

 

PS : pour vous donner une idée de l’évolution de la diversité de la cave de notre « ami du jour », nous avons dégusté grâce à lui la dernière fois : un rosé de Tavel (portant le nom d’un Châteauneuf célèbre) de toute beauté mais très chargé en alcool, un Saint-Joseph blanc excellent élaboré par un des meilleurs vignerons de la région de Vienne, et un Châteauneuf-du-Pape blanc frais et puissant.

 

 

 

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