PLUS NATURE QUE ÇA, TU MEURS

Photo © C. Civale
Photo © C. Civale

 

Pour une fois, je vais me parer des plumes des autres :

le très joli cliché vous montrant les rares pontons d’huîtres à Leucate,

l’étang et tout le massif du Canigou a été pris

le 22 janvier dernier par Christine.

 

 

Aujourd’hui, le ciel est beaucoup plus menaçant que cela et les averses de grésil alternent avec des accalmies, où le froid continue de vous glacer jusqu’aux os. On ne taille pas et ... on gamberge.

 

Bien sûr, franco-français est le climat : défaite au foot contre la Mannschaft, défaite à XV contre les Azzurri, défaite contre l’honneur au Mali, défaite du Crédit Agricole contre le CAC 40 fin janvier .... Stop au massacre!

 

LE sujet des blogueurs du vin concerne l’option POUR ou CONTRE les vins « nature ». Tout d’abord, pour les amateurs qui viennent de passer dix ans de vacances sur Mars, on désigne ainsi l’ensemble des vins qui seraient élaborés sans adjonction de soufre.

 

Jusque là, il s’agit d’une option technique relevant de la décision d’un vigneron, de sa popote interne. Il en existe cent mille autres semblables, des choix de vinification.

 

L’exemple le plus illustratif – mais c’est sans doute parce que je connais ce vigneron depuis très longtemps et le respecte – pour moi est celui de Thierry Allemand à Cornas. Depuis plus de 30 ans, il tente de limiter l’adjonction de sulfite de la récolte jusqu’à la mise en bouteilles, en passant par la réception, le départ en fermentation, la fin des malos, l’élevage .... Certaines cuvées présentent en effet des taux de SO2 (tant libre que total) inférieurs aux seuils de détection. Je n’ai jamais vérifié les résultats sur papier mais Thierry est digne de foi et il n’en fait pas un slogan. Un peu « intégriste » au début, mais sans malice, l’expérience lui a appris les limites de cette approche et il sait à présent quand sulfiter (un peu) et quand s’en abstenir totalement. In fine, ses vins sont d’un fruit et d’une pureté sans égal et ils « tiennent » bien la distance.

 

A l’autre bout du spectre, il y a certains moelleux, en France ou ailleurs, qui vous empestent le nez dès le débouchage, qui vous raclent le palais en fin de bouche et qui vous laissent un mal de crâne coriace au bout de dix minutes, et la tête ainsi que le foie chagrins pendant 48 heures, même après l’absorption d’un seul verre.

 

Personnellement, j’utilise toujours un peu de sulfite au moment de l’éraflage pour les rouges et du pressurage pour les rosés et les blancs. Je n’en rajoute ensuite plus jusqu’à la fin des fermentations malo-lactiques. Au moment de la mise, c’est selon. Avec le temps, la dose est de moins en moins importante, malgré les mises en garde de l’oenologue. Mais son métier, c’est éviter que j’aie des « ennuis » et le mien, c’est de faire un vin aussi savoureux que possible.

 

Que font les sulfites, en tout cas pour ce qu’il est utile de savoir quand on est amateur de vin ?

On peut simplifier le tableau, sans caricature, en disant (i) qu’ils facilitent un grand nombre de processus d’extraction (dont la couleur); (ii) qu’ils servent d’antiseptique, permettant la prédominance des levures utiles sur tous les autres contaminants microbiens ; (iii) qu’ils sont un puissant agent anti-oxydant, limitant l’apparition du goût de vieille pomme ou de sherry et maintenant la couleur « jeune ».

 

Magnifique, me direz-vous, où est le problème ?

 

Il y en a de deux types : oenologique et sanitaire.

 

L’adjonction répétée de sulfite peut à terme modifier la palette aromatique (nez et bouche) en rendant les vins moins fruités, plus « cassants », rêches et allant parfois jusqu’au développement de nuances réduites, à type oeuf pourri ou mercaptan. En outre, l’oxydation lente des sulfites en sulfates va rendre le vin plus acide et beaucoup moins plaisant. Mais il faut déjà « pousser le bouchon » assez loin.

 

Surtout, nous sommes tous, à des degrés divers, « allergiques » aux sulfites. Chez les uns, c’est mon cas, cela se limitera à une sensation d’échauffement des joues et à des céphalées en cas de gros surdosage (ou de consommation exagérée). Chez les autres, cela peut aller jusqu’au tableau catastrophique d’oedème du larynx, de crise d’asthme avec danger pour la vie, de vasodilatation majeure avec choc hypotensif .... et j’en passe. Tous les stades intermédiaires existent.

 

Notez qu’on observe cela avec d’autres additifs alimentaires également, comme le glutamate de sodium, un exhausteur de goût.

 

Pour le glutamate, on montre du doigt les restaurants asiatiques ; pour les sulfites, les domaines viticoles. Mais TOUTE la chaîne alimentaire fait usage de ces produits, de la pelure de vos pommes et poires à vos huîtres, vos boissons en briques, votre viande « emballée sous atmosphère protectrice », vos boîtes de conserve et, oui, même les antibiotiques injectables les plus sophistiqués !

 

En viticulture, mon modeste message est le suivant : moins il y en a, mieux cela vaut, mais c’est parfois un mal nécessaire si on veut que le vin ne se pare à chaque fois des caractéristiques du vinaigre, d’un jaune du Jura, du cidre ou encore de la gueuze. J’adore tous ces produits, mais à leur juste place.

 

Par contre, là où je m’insurge, c’est lorsqu’on essaie de détourner un biais de vinification (le « sans soufre ») pour en faire une secte. Pour certains, cela traduit une soif sincère mais un peu puérile d’absolu et une absence totale de compromission. Pour d’autres, c’est une réaction – que je comprends – contre la mainmise de l’industrie phyto-sanitaire sur l’agriculture. Pour un groupe important – et ils n’emportent ni mon adhésion ni ma sympathie – c’est tout simplement un argument de vente.

 

Une conclusion, si vous voulez :

il existe d’excellents vins élaborés sans soufre

ou bien en tout cas n’en contenant plus

en quantité mesurable dans la bouteille, ou alors très peu.

C’est certainement à mes yeux un but à poursuivre, et je m’y applique.

Mais ceci ne doit pas tourner à l’obsession chez le vigneron,

ni rendre l’amateur passionné d’une indulgence idiote

face à des vins manifestement déviants.

 

 

 

 

 

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Commentaires: 6
  • #1

    Berthomeau (jeudi, 07 février 2013 14:47)

    J'ai twitté ta chronique LUC Christine a trouvé de l'essence pour aller à Leucate. Le papa de Fleur me propose un chapon, tu vois que je suis un type sérieux ce que tu pourras transmettre à Christine.

  • #2

    Luc Charlier (jeudi, 07 février 2013 15:11)

    Attention au carburant. L’essence fait beaucoup de tort aux moteurs diesel. En outre, le terminal de Port Leucate (histoire apparemment avérée, si j’en crois les concessionnaires Renault ET PSA) est obligé de transborder le carburant entre les tankers et la raffinerie qui alimente toute notre région dans de grandes barges à ciel ouvert, car les fonds ne sont pas assez profonds pour les pétroliers. Par gros temps, elles embarquent des paquets d’eau. Le capitaine estimerait, au pif, la quantité ainsi ajoutée et c’est sur cette base qu’on mélange les produits dispersants (très toxiques pour les injecteurs). En outre, le « très mouillé » file en GD, le « un peu mouillé » chez les stations des marques ! Bon, à vous de voir le crédit à apporter à cette info. Je n’ai pas compétence pour en juger.

    Deuxio : un chapon, ah le capon ! Et Christine n’a jamais douté de ton sérieux.

  • #3

    Berthomeau (jeudi, 07 février 2013 15:12)

    Message retwitté ça va déferler chez toi LUC...

  • #4

    David Cobbold (samedi, 09 février 2013 13:36)

    Admirable leçon des choses et juste mise au point. Bravo aussi à Christine pour sa photo sublime.

  • #5

    Marc (vendredi, 15 février 2013 12:23)

    La très grande majorité des vins contiennent des traces de produits chimiques, sont dopés aux levures et autres joyeusetés produites par notre féroce industrie chimique.

    Réduire les doses de souffre est donc une très bonne idée.

    Néanmoins, l'exercice n'est rendu possible que par le travail fait en amont et c'est là où le bât blesse très vite. Nous sommes tous d'accord, un vin qui pue, cela ne plaît à personne et un peu de souffre est bien préférable.

    Avec tes sols et tes cépages, je ne suis pas inquiet.

    A propos, Thierry soutient qu'il ne sulfite pas la vendange... à méditer?

  • #6

    Best Juicer (dimanche, 14 avril 2013 22:01)

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