L’ASTUCE DU CAVISTE OU LA PARABOLE DES AVEUGLES

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Hervé Lalau me fait

parvenir une perle:

“l’astuce du caviste”

tirée du magazine publié

par la chaîne de distribution

de vin Nicolas à l’intention

de ses clients en mars 2013.

 

 

 

 

 

Citation N° 1 : « Au sujet des vins de garde, l’utilisation du bouchon de liège reste de mise. Le bouchon permet au vin de ne pas s’écouler ni s’évaporer. A la fois poumon et filtre, il permet une circulation de gaz entre le vin et le milieu extérieur. Plus cet échange sera équilibré, plus il vieillira bien ».

 

Passons sur le français assez approximatif de ce petit texte. On apprend quand même, en gros, que le bouchon sert à garder le vin dans la bouteille, ce qui est déjà intéressant. On apprend ensuite qu’il agit comme un poumon (?) et comme un filtre, et qu’il permet la circulation de gaz entre le vin et le reste du monde. Heureusement, on nous dit que le vin vieillira mieux si cet échange est équilibré.

Outre le caractère très douteux d’un « échange harmonieux » - à ma connaissance, la seule chose qui se passe est une perte progressive, imprévisible, inconstante et très variable d’une certaine quantité du SO2 et du CO2 dissous dans le vin et une absorption, allant généralement en s’accélérant à mesure que le bouchon perd de son élasticité et gagne en porosité, d’air ambiant contenant de l’oxygène, responsable d’une oxydation croissante du contenu – on ne lit ici pas un mot sur les bouteilles couleuses, sur les bouchons se désagrégeant, ni bien sûr sur le fameux « goût de bouchon ».

 

Citation N° 2 : « Le bouchon synthétique est très efficace pour la conservation du vin, qui ne tire aucun bénéfice dans sa courte vie de la présence du vrai liège, et empêche les goûts de bouchon. Le consommateur aura toujours besoin d’un tire-bouchon mais il pourra l’enlever plus facilement sans laisser de morceau de liège dans le vin. »

 

Ouf, on pourra enfin enlever le bouchon sans mettre du liège partout, et surtout dans la bouteille. Voilà donc la solution pour les amateurs atteints d’une maladie des neurones moteurs ou du cervelet, voire ayant souffert de poliomyélite ou de diphtérie du temps où on ne vaccinait pas contre ces infections. En même temps, les polymères sont très efficaces pour la conservation du vin, dont la courte vie ne gagne rien à être bouchonnée – au moins, je suis d’accord avec cette dernière affirmation.

Par contre, catastrophe, il faut un tire-bouchon, instrument rare, cher et d’un maniement difficile.

Pas un mot sur l’attaque de certains constituants des bouchons en matière plastique par l’alcool ou les acides organiques contenus dans le vin ; pas un mot sur le durcissement du bouchon le rendant ou bien impossible à ôter ou bien au contraire très peu stable dans le goulot. Et pas un mot sur les nombreuses mèches de tire-bouchon cassées dans la masse-même, y compris par des sommeliers expérimentés.

 

Citation N° 3 : « Quant aux capsules à vis, le système est vraiment pratique pour les vins de « consommation courante » ou pour partir en pique-nique sans nécessairement penser à s’équiper d’un tire-bouchon. »

 

Cet entrefilet ne dit rien des pique-niqueurs qui oublient de prendre leur casse-croûte, ou les couverts, ou une petite assiette, ou une nappe pour leurs agapes champêtres. Par contre, si vous emportez une bouteille de Grange Hermitage de chez Penfold’s ou bien un Chablis Les Clos ou Blanchots de chez Laroche, pour ne parler que de quelques vins de consommation courante, vous pourrez les ouvrir sans aucun outil. C’est déjà ça !

Le fait que le vin ne présentera pas de goût de bouchon, que la bouteille ne coulera pas dans votre coffre (même après l’ouverture si vous ne la finissez pas) et surtout que, au bout de quelques années de conservation, tous les flacons d’un carton auront évolué de la même manière et resteront plus frais ne fait pas partie des considérations du rédacteur de ces explications.

 

Une fois de plus, la GD

(car il s’agit bien ici d’une chaîne de distribution

spécialisée dans les boissons alcoolisées)

prend ses clients pour des démeurés :

par le ton employé, par l’ineptie du contenu, par les mensonges présentés.

Je vous le répète : n’y allez pas !

 

 

PS: je précise pour éviter toute confusion que seul le texte est tiré du magazine, sans en modifier une seule lettre ; le reste de l'illustration provient de ma fantaisie imagée et ironique.

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    David Cobbold (lundi, 18 mars 2013 18:42)

    Débile et même scandaleux pour une chaîne censé être un "spécialiste"...de quoi en fait ?

  • #2

    Luc Charlier (lundi, 18 mars 2013 19:14)

    Oui, David.
    Tu as raison : cette approche me gêne au moins à deux titres. Elle étale une telle incompétence et en même temps un tel mépris du client que je ne comprends pas comment une enseigne qui a fait par le passé la preuve de ses capacités dans le secteur du marketing au moins a pu laisser passer cela.
    Nicolas n’a rien à y gagner. S’il s’agit de montrer leur modernité en répertoriant tous les types de bouchage qu’eux-même retiennent, ils loupent le coche car ils n’ont défendu AUCUN des atouts, réels ou supposés, de chaque système. En plus, ils ne parlent pas des bouchons composites ni non plus du système Vinolok. Et s’il s’agit de montrer leur compétence technique .... pardon !