UN MAIL QUI FAIT PLAISIR

 

 

 

J’ai reçu hier un mail

qui m’a fait grand plaisir.

La suite que je lui donne

parle de vin aussi,

au-delà de l’amitié.

 

 

 

 

 

 

Voici son texte, pour l’essentiel :

 

« Bonsoir Luc,

 

Comment vas-tu ? Et le domaine, et ta santé ?

En ce qui me concerne, je vais bien.

Je suis à Grimaud, seule, pour suivre les derniers travaux. Je me sens bien et très heureuse de pouvoir être autonome. Je pense que j’ai eu beaucoup de chance.

Donne-moi des nouvelles de ton côté.

 

Marie G .... »

 

 

Marie est, pour reprendre l’expression que Peter Gabriel avait employée au Festival de musique de Reading en faisant monter sur scène Phil Collins, des années après la séparation de Genesis, leur ancien groupe, un « skeleton from my past ».

 

Marie est née en région parisienne. Ses parents, Andaloux émigrés, allaient ensuite quitter la France peu après les événements d’Algérie, pour une raison principale saugrenue. Son père, Leonardo, était un bel homme à la fine moustache et au visage très typé de ce sud qui avait connu les douceurs d’Al-Andalouz ; il ressemblait à Omar Sharif ou à Nasser, avec un nez très aquilin, des yeux intenses et un léger zozottement à la Sean Connery. Il était un tourneur-fraiseur expérimenté et ingénieux, apprécié de ses employeurs malgré une conscience politique et sociale engagée. Mais la France, alors en proie aux excès de la décolonisation, l’incluait dans les rafles chaque fois que sa police gaulliste allait bastonner de l’Algérien. Il avait beau exhiber une carte de séjour – j’en ai eu une aussi lorsque j’étais résident étranger à l’hôpital Bichat – spécifiant qu’il était espagnol, rien n’y faisait, on l’embarquait quand même. Vive la République !

 

Le flot de rapatriés rendait le travail plus difficile à trouver, tandis qu’en Belgique, la vague d’immigration italienne vers les charbonnages avait été absorbée avec facilité et empathie, le Maroc n’avait pas encore envoyé beaucoup de ses ressortissants et le climat général était beaucoup moins xénophobe qu’Outre-Quiévrain. Je ne dis pas que le Belge est forcément très accueillant, mais il est beaucoup moins raciste que le Français, en général bien entendu. Ne sommes nous pas nous-même le plus souvent des « zineke », des sang-mêlés, et Charles Quint n’était-il pas lui-même gantois ?

 

Et c’est ainsi que la famille G .... s’est retrouvée habiter le même immeuble que nous. Quelques années plus tard, Maria, l’épouse de Leo, mettait au monde Kike, alors qu’elle avait perdu deux enfants en couche à Paris. Cette fois-ci, son accoucheur n’était autre que mon père, qui pratiquait un peu de médecine générale à l’époque et était à l’occasion un obstétricien chaleureux et rassurant.

En échange, elle nous a préparé pendant des années la meilleure .... Sangria que j’aie jamais goûté, avec des pommes, des melocotónes et des oranges sanguines, mais aussi de la cerveza, du Fundador®, un rien de canelle et puis sans doute des petits secrets venant du fin fond de Grenade ou même de chez les lointains Gitans. C’est là aussi que j’ai découvert les délices du vin doux de Malaga. Enfin, on allait chercher pour nous des churros dans le quartier espagnol de Bruxelles, qui revenaient tous chauds avec leur sucre cristal collé aux grains d’anis. Quand il y avait trop de croûtons rassis, Maria confectionnait une espèce de "pain perdu" trempé dans le vin rouge, caramélisé et ... scandaleusement délicieux aussi. Je ne veux cependant pas idéaliser le passé : les premières soles meunières brûlées dans l’huile d’olive grossière n’ont pas fait l’unanimité au sein du clan belge, ni les frites à la mode « patatas ». Vous savez, en Espagne, encore actuellement, on pèle incomplètement une pomme de terre farineuse sans en enlever la terre, on la coupe en quatre, on la plonge dans de l’huile de friture trop vieille et trop chaude, en une seule cuisson, et on appelle cela une « frite ». Moi pas !

 

Nous passons sur les quarante ans qui suivirent et on se retrouve à la charnière 2012-2013. J’y apprends par un mail que Marie oscille entre la vie et la mort. Pourtant, elle ne fume pas, elle boit peu, elle a toujours vécu en milieu hospitalier ou médical, elle n’a pas eu d’accident de voiture .... Je ne pense pas trahir un secret médical en vous disant que ces petites saloperies que nous avons tous une fois la quarantaine passée, des anévrismes, ont décidé qu’il était temps de péter chez elle. C’est le fil de platine, ou un autre métal noble et incorruptible, qui a sauvé Marie car, comme vous avez pu le lire, quelques mois plus tard, elle a recommencé à superviser la finition des travaux d’une résidence secondaire que son mari et elle font construire dans un joli coin du Var.

 

 

Tant mieux, nous pourrons

leur rendre visite plus facilement et

cette fois-ci, c’est moi qui

leur ferai découvrir des vins étonnants :

pas ceux du soleil andalou

mais bien ceux de la Coume Majou.

 

 

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    kike (jeudi, 02 mai 2013 11:14)

    Merci Luc de ce bel hommage à mes parents...à quelques jours de la date anniversaire de leur disparition, cela me touche très fort que l'on pense à eux de si belle façon...mais tu as oublié les dépannages de vos bécannes et le gaspacho de Maria...elle serait pas contente ;-)
    un jour j'ai séparé deux adolescents qui se battaient pour des broutilles, l'un au fleuret et l'autre au sabre...mes pleurs les ont réconciliés autour de moi...j'ai su que, pour toujours, j'avais deux frères...
    hasta pronto, hermano

  • #2

    Luc Charlier (jeudi, 02 mai 2013 13:36)

    Claro, Enrique, tienes razon. Pero la nuestra historia no esta acabada, no ?