L’ARXIPELAGO SE LA JOUE SLAVE

L'OBC à Perpignan
L'OBC à Perpignan

Perpignan, qui n’a pas

d’orchestre symphonique,

accueillait pour la

première fois

l’Orquestra Simfónica

de Barcelona

I Nacional

de Catalunya (l’OBC).

 

 

Celui-ci est en tournée en Asie et aux US of A avec le soliste russe Boris Belkin.

 

La salle appelée « le Grenat » de l’ensemble architectural – enfin, il paraît – de l’Archipel, signé Nouvel, toute horrible et mal conçue qu’elle soit, a joué « sold out » hier soir et il a fallu 20 minutes pour laisser entrer les spectateurs par l’unique accès utilisé (2 contrôleurs munis d’un lecteur de code barre). J’imagine bien la pagaille au Met’ ou à la Scala ! Ici, nous sommes quand même à un jet d’archet du Centre del Mon.

 

Cela m’a permis de saluer au passage mon collègue et concitoyen Robert Pouderoux et sa femme, venus se décrasser les oreilles aussi.

 

L’OBC fut créé en 1944(?) par Eduard Toldrà et évolue à présent sous la direction du chef Pablo Gonzàlez. Et je vous interdis d’ajouter « mets ta flûte à l’aise », ce serait irrévérencieux.

 

Le soliste, lui, issu du Conservatoire de Moscou, émigrera vers le monde de l’ouest en 1974 et y fera ses débuts publics sous Zubin Mehta et Leonard Bernstein, interprétant notamment les concertos de Paganini et les deux petites merveilles de Prokofiev. Il « jouera » aussi dans de nombreux films pour la télévison, notamment un long métrage sur la vie de Sibelius. Son violon provient de l’atelier de lutherie du facteur Roberto Regazzi; pas étonnant que la sauce ait pris.

 

Je ne suis pas chroniqueur gastronomique – je règle toujours mes additions au restaurant – et pas non plus critique musical. En effet, je ne sais pas lire une partition d’une part – la honte de ma vie avec le fait que je ne parle pas l’italien – et je paie toujours ma place d’autre part. On ne va donc pas vous la faire « façon spécialiste ».

 

Le programme, qui a commencé à l’heure, nous proposait d’abord un « plain-chant » d’un auteur vivant, Blai Soler. C’est tout ce qu’il y a à en dire, sinon que les contrebasses, juste devant nous – places assez excentrées malheureusement, tarif oblige - avaient bien du mal à jouer ensemble et à passer de l’archet frappé à l’archet frotté et aux pizzicati. Et j’ai entendu plus loin dans l’orchestre des sons qui m’étaient étrangers, malgré une bonne expérience de la musique électronique. Or, ceci n’en était pas.

 

Le premier concerto pour violon de Prokofiev, terrain archi-connu du soliste, fut un régal. Il faisait pleurer son instrument, à la limite du désaccord, comme seul un Slave sait le faire. Brrr, c’était bon. Après, je sais qu’un mouvement rapide sandwiché entre deux mouvements lents est un peu inhabituel comme structure, mais était-ce une raison pour applaudir à tout rompre à la fin du scherzo ? Boris, un peu contrarié, s’est d’ailleurs exclamé, à l’adresse du parterre, pour le faire taire : « One more mouvement ! ».

 

J’ai découvert ensuite – je ne suis pas musicologue – le ravissement de tzigane (Maurice Ravel) qui repose essentiellement sur l’archet, mais aussi sur les pincements des doigts du soliste. Il y a des moments où il passe de l’un à l’autre avec une dextérité incroyable : jubilatoire.

 

Pour terminer, j’étais en terrain connu – Christine et moi avons « répété » toute la semaine, dans la version de Haitink – avec la première symphonie de Shostakovitch. Il avait 19 ans et elle servit à son examen final du Conservatoire de Léningrad. Le thème du premier mouvement qui vole de pupitre en pupitre, les bois, puis la clarinette du final m’enchantent. La place du piano dans le deuxième mouvement est amusante, et notamment les accords plaqués par trois fois, dans le silence. Ici aussi, le scherzo s’est terminé par ... les applaudissements du public et le chef à levé les yeux au ciel, cherchant le sourire entendu du premier violon. L’orchestre a néanmoins joué la deuxième moitié de l’oeuvre !

 

En rappel, nous avons eu une courte « sardana symfónica » écrite par el fundador de la nostra orquestra. Amusant, mais les quatre minutes ont suffi. Pas de tenora, pas de tibla, pas de flaviol : les hautbois et le mirliton ont fait l’affaire. Tonnerre d’applaudissements depuis les places offertes par le Conseil Général.

 

 

En bref, une excellente soirée avec un orchestre bien en place, un soliste excellent et un public bon enfant. Devant la vacuité des rues – il n’est pourtant que 21 heures – de ce dimanche soir, et au vu du grand nombre de restaurants fermés, c’est au « Punjab » au bout du Pont Joffre que nous sommes allés croquer un onion bahji avec son chutney de cédrat et de gingembre et avons partagé ensuite un biryani et un madras pas trop relevé. Bismilah !

 

 

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