UN CLICHÉ « NATURE » CHEZ « EN PLEINE NATURE »

C'est bon les Kcal, c'est bon-bon, c'est bon-bon  (La Compagnie Créole)
C'est bon les Kcal, c'est bon-bon, c'est bon-bon (La Compagnie Créole)

 

Marc est un très bon

photographe amateur

et il aime ça.

Donc, il sait

pertinemment bien

à quel moment

il faut appuyer

sur le déclencheur ...

pour me faire

une tête d’abruti.

C’est ça, les amis.

 

 

 

 

Le petit moment de pensée amicale envers la famille Ingels et ses déboires passé, un repas tout à fait exceptionnel s’est offert à nous.

 

Il faut ici remarquer l’acuité de la sélection de la Civale. Parfois, nous contactons des restaurants tellement réputés qu’ils sont un « must » dans leur région. Cette fois-ci, je suis convaincu que cette adresse encore relativement peu connue, à part dans la sphère des initiés de la région toulousaine, se trouve à l’aube d’une renommée bien plus large. C’est l’enfance d’un grand chef dont nous sommes témoins.

 

On demandait à un restaurateur New-Yorkais célèbre les trois clés de son succès. Il a répondu : « Location, location, location ». Et bien, ce rond-point proche de la mairie de Quint-Fonsegrives, encore à Toulouse en fait mais déjà à la campagne, avec de grandes facilités de parking, me paraît un endroit idéal. Il constitue déjà une micro-escapade pour les citadins, sans toutefois nécessiter un long déplacement et il marque l’approche de la « ville » pour les gens de la campagne. Premier bon point.

 

Le concept ensuite. La relativement petite salle – de taille humaine – s’articule autour d’une « cuisine ouverte » à la luminosité parfaite : on voit tout. En même temps, on n’est pas incommodé par le bruit de la hotte aspirante, qui fait pourtant son office à la perfection. Le ballet du trio aux fourneaux est un ravissement de calme et de coordination. A l’étage, un local spacieux permet d’accueillir les tablées un peu plus nombreuses ou ... supposées bruyantes, comme le

Domaine de la Coume Majou par exemple.

 

Le passé du chef ensuite : sauf erreur de ma part – car tout ce qu’on lit n’est pas forcément vrai – il est resté plusieurs années chez Michel Bras à Laguiole, alors qu’à l’origine il ne devait y faire qu’un stage de quelques mois. Et l’établissement aveyronnais décoré par Starck n’a pas la réputation de se tromper souvent dans le choix des jeunes collaborateurs qu’il garde ! Ensuite, il a tenu avec son frère Fabrice une table de très bonne réputation du côté de Rangueil sur Toulouse, mais l’endroit n’avait pas la vocation de recherche gastronomique qui convient à Sylvain Joffre.

 

A présent, et c’est évidemment là l’atout majour de cette adresse, Sylvain élabore les plats qu’il veut. Je répète pour la 600.000ième fois que je ne me prends pas pour un « critique » gastronomique – je n’aime guère la fatuité de cette corporation, ni sa morgue – mais j’ai la chronique aisée. Un mot résume pour moi les assiettes : complexité ! Certains chefs font « simple et parfait », comme mon ami Saburo Inada à Bruxelles : j’adore ça. D’autres font « touffu et ennuyeux » : il y en a malheureusement beaucoup. Chez Joffre, c’est « multiple et délicieux ». On se délecte de la juxtaposition des saveurs, des textures, des couleurs ... Dans chaque assiette, vous goûterez suc-ces-si-ve-ment les saveurs, comme un rideau qui se déroule, comme s’il y avait plusieurs couches. C’est d’ailleurs souvent le cas. Et le chef évite l’écueil de ce genre de cuisine : il ne faut pas que tout se mélange en un magma confus. En outre, on a ici le souci – c’est amusant – de vous faire découvrir des choses inhabituelles (légumes exotiques, touches japonisantes, agrumes de Marquixanes dans les P.O. ...). Quand cela ne tourne pas au gadget ni à l’obsession, cela me plaît.

 

Vous l’avez compris, c’est une cuisine qui vous demande d’y pénétrer avec attention pour en découvrir toute la richesse : l’anti-cassoulet en fait. Si on devait la comparer à un musicien, je pencherais pour Keith Jarrett. Vous avouerez qu’on fait difficilement mieux.

 

Il ne s’agit nullement de chichi, de mascarade à la This 100 % *, et le public ne s’y trompe pas : la salle est pleine même à midi et il faut plus d'une quinzaine de jours d’attente pour obtenir une table en fin de semaine.

 

Et la cave ? Voilà qui est important pour un vigneron. Laissez faire Alexandre, le sommelier cum maître d’hôtel. La carte, qui fait la part belle au Sud-Ouest, comme il se doit, vous baladera d’abord des confins de Saint-Jean-Pied-de-Port à Lacq pour remonter presque jusqu’à la Gironde. Quand vous aurez ainsi beaucoup marché, elle vous balladera (avec deux « l ») au son du fifre languedocien ou des sardanes de chez nous.

 

Mes convives ont adoré. Je crois que Michel, les deux d’ailleurs, aurait fait de même. Et Marc, qui n’est pas en reste mais possède surtout un frère cadet dont la raison d’être consiste à s’attabler partout en Europe où c’est bon, songe à l’envoyer spécialement ici ; un « op en af » en quelque sorte. J’espère qu’il s’arrêtera tout de même à Corneilla en chemin, me donnant ainsi prétexte à une autre visite en banlieue toulousaine.

 

L’espèce de fromage Manchego en face de moi est en fait une garniture en sucre étiré pour la bougie de mes 57 ans.

 

 

Merci à mes amis d’avoir rendu ce week-end si riche.

Merci à l’équipe de « En Pleine Nature » de s’être si amicalement

mais aussi si discrètement occupée de nous.

 

 

Coordonnées : cliquez ICI pour le site de l’établissement.

 

 

 

 

 

* (petit PS) : la cuisine « moléculaire » a apporté une réflexion sur la raison des différentes techniques culinaires et permet souvent de cuisiner plus sainement ou même d’inventer des nouvelles saveurs. Je n’y suis nullement opposé. Mais elle dérive actuellement vers le cirque de bas étage. Or, il faut beaucoup de talent pour être un grand clown ou un trapéziste de haut vol. Les plats qui montent au ciel sous un ballon d’hélium, la fumée de Havane qui envahit la pièce, la vessie de porc où on vous enfonce le nez, les huîtres au bleu de Méthylène, le tartare de langue de crapaud à l’extrait de caviar Beluga fermenté dans la bure d’un moine bénédictin (à 37,6° C donc) ... très peu pour moi.

 

 

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