POUR LUI LA VIE A COMMENCÉ !

Wanted !
Wanted !

 Peu subtile allusion

de ma part à la Camargue,

ce titre va me permettre 

une de ces digressions

dont je raffole,

mais qui doivent de temps

à autre barber mes lecteurs.

 

 

Pour que vous continuiez néanmoins à lire ce billet, je vous annonce qu’il traitera principalement d’une grande table ... toute simple (mais à vocation bio) et d’un grand chef dont Christine vient de me donner l’occasion de faire la connaissance – ce qui n’est déjà pas mal – et chez qui j’ai ensuite tenu à m’attabler au plus vite. Suivez-moi.

 

Vous avez lu ICI que ma journée du 18 octobre, jour de la Saint-Luc, a débuté au téléphone avec Amélie Nothomb. Elle s’est poursuivie avec ma mère – ce que certains considèreraient comme un honneur insigne mais moi j’avoue que j’en ai l’habitude – qui a rejoint sous ma conduite son siège dans le TGV vers Lille. Elle s’est terminée près du Sambuc, en pleine Camargue, par un petit signe « Au Revoir » de la tête d’Armand Arnal quittant son restaurant après le service. Au total, je préfère mon emploi du temps à celui d’Yvan Denissovitch Choukhov (voir Один день Ивана Денисовича).

 

En 1963, un de mes grands copains - Salut, le copain ! – s’appelait Jacques Deprez, le fils de l’adorable dame qui a élevé mon frère. Il fréquentait l’école supérieure Saint-Luc où il poursuivait des études de dessinateur en architecture tandis que j’étais un snotneus de 15 ans son cadet, mais il m’aimait bien. Nous sommes allés voir ensemble le film « D’où viens-tu Johnny », au cinéma Novelty, à la place Sainte –Croix (actuelle Place Eugène Flagey) à Ixelles. Jean-Philippe Smet, beau à l’époque mais déjà vulgaire, y interprétait un rôle « à la Presley » et chantait certains de ses tubes, dont un duo avec Sylvie Vartan, elle ausi très belle mais avec de la classe en plus. Bonjour, la Mariza. Le tout se déroulait en Camargue, représentée comme un nouveau Far West. Je pense que cela a dû inspirer MC Solaar, qui n’était sans doute pourtant pas né à l’époque. Moi, les paysages m’ont marqué, ainsi que les petits chevaux camarguais. Le film était un navet – tiens, tiens ! – de première catégorie.

 

Jeudi dernier, j’ai abandonné pompes, cave, tonneaux, cuvées pour suivre, léger et court vêtu, la Civale vers la D36 dans sa version « Bouches-du-Rhône ». C’est Yoan, le sommelier, qui nous attendait pour une dégustation attentive, sur une terrasse ensoleillée où l’astre du jour déjà déclinant projetait ses rayons dorés au travers d’un fin grillage, une moustiquaire en fait, transformant l’endroit en une espèce de grande volière. Le chef est venu quelques instants aux nouvelles, dégustant au passage et le Blanc de Coume Majou (100%  macabeu) et La Loute (100% carignan). Nos assemblages grenache-carignan ont ensuite été passés en revue l’un après l’autre par l’équipe. On nous a proposé la dernière table disponible pour le dîner, mais nous avions encore un rendez-vous dans les Alpilles ce jour-là et, surtout, le cuvier m’attendait en Roussillon pour des remontages ... ainsi qu’accessoirement ma mère. Les vioques n’aiment pas manger toutes seules et elle avait décliné notre invitation à nous accompagner, car elle ne souhaitait pas être zotgerold ce jour-là, la semaine ayant déjà été chargée en déplacements pour une dame âgée de 83 ans.

 

Vendredi vers quinze heures, tirant prétexte de livraisons à faire vers l’est, le souvenir de ce que j’avais entr’aperçu la veille (le potager bio du restaurant, la carte sur le site, le curriculum du chef, l’extrait de l’émission « Des Racines et des Ailes » qui lui a été consacré ...) m’a donné une idée soudaine : à 20 h 34’, après une retenue d’une heure sur l’A9 suite à un accident et après un passage chez Lucienne (voir ICI) à Bellegarde pour récupérer les clés de la chambre d’hôtes, nous étions attablés à La Chassagnette.

 

Je ne vous cacherai pas que nous avons bien mangé. Nous n’en attendions pas moins. Mais le souvenir sera surtout celui de l’ambiance. L’espace est large et les matériaux sont faussement dépouillés : en fait, tout est fignolé dans le détail mais laisse une impression de nonchalance, presque d’abandon fortuit, de quiétude, de « zénitude ».

 

Un coup d’oeil en cuisine – bondée, et nous l’avions traversée la veille – et les va-et-vient du chef, qui assure lui-même une partie de la « découpe en salle » (j’adore ça), montrent le soin apporté, et peut-être même l’anxiété de bien faire. De même, à peine assis, nous recevons les mises en bouche et puis la commande se fait par petites étapes : on ne nous abandonne pas, mais on ne nous presse pas non plus : « Un apéro, peut-être ? Oui, d’accord ! » – et il sera offert au moment de l’addition. Ensuite, vous pensez que le fils de Marcel, qui se délectait de ces bébêtes, et le petit-fils de Germaine, qui m’emmenait en manger jusqu’à Sept-Saulx dans leur nage au Champagne, n’a pas pu résister aux écrevisses sauvages. Ces prédateurs envahissants pulullent dans les marais du delta du Rhône et c’est faire oeuvre salutaire que d’en soulager la nature. Ma gourmandise rencontre ici dans une unisson bien à propos mes soucis environnementaux. Ensuite, on est allé voir aux approvisionnements ce que le poissonnier venait d’apporter. « J’ai une jolie barbue pour deux personnes et qui sent bon, viens-nous dire le chef lui-même, avec un grand sourire. C’est ça que je vous prépare ! ». Ca tombe bien, je n’avais pas envie d’un Big Burger ; nous ne l’avons donc pas contredit.

 

Pour le dessert, vous savez que mon endocrinologue préfère que je n’en parle pas.

 

Et on a bu un blanc (roussanne, marsanne et un poil de chardonnay), héraultais de naissance comme le maître des lieux et comme Christine. Vous ne voulez pas en plus que je fassse de la pub pour la concurrence en vous dévoilant son nom, non ?

 

L’équipe ensuite : tout le monde est jeune, tout le monde porte un tablier de boucher et des baskets, tout le monde est beau. Tout le monde vous parle, tout le monde sourit. Tout le monde a la répartie facile et connaît les produits. On a l’impression que la communication et le contact– en interne tout autant que vers la clientèle – font figure de religion : parfait pour moi. La personne qui assure manifestement la direction de la salle nous a en outre dorlotés et bichonnés comme oun tchivaou avant la Feria. Il avait aussi entendu parler d’un vieux macabeu très tendu qui ....

 

Je brosse un tableau trop parfait, direz-vous. Pas du tout : l’assiette est goûteuse, originale mais pas archi-compliquée et tout provient du « circuit court ». L’atmosphère est « copain-copain », évitant le guindé mais ne tombant pas dans la familiarité excessive. Pourtant, je crois qu’une partie des convives – cosmopolites – doit savoir afficher à l’occasion un niveau d’exigence « solide ». C’est une litote.

 

 

En fait, la Camargue n’est pas si loin que cela du monde civilisé

et il existe des moyens de se préserver des moustiques.

Allez-y, c’est mon seul conseil, et vous verrez que

la cuisine des gardians peut prendre des accents de fraîcheur intense ...

quand elle possède des racines montpelliéraines.

 

 

 

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