DU NERF, BON SANG

Neurogénèse, anno 1974
Neurogénèse, anno 1974

 

Vous savez tous

que la viticulture

française est

exsangue, mourante

et nulle depuis

plus de cinquante ans !

 

 

 

Non, je déconne, c’est ma quenelle à moi. Ce qui cloche, c’est le volume de vente, à l’export comme en interne. D’une part, les chiens d’étrangers produisent de foutus bons vins, d’autre part, les p’tits gars de chez Thierry Roland – vous savez, le grand penseur internationaliste – se pochtronnent moins qu’avant, les salauds.

 

Voyant cela, les ministres concernés (consternés ?) ont fait publier des rapports. C’est comme cela que l’on procède en France : on obtient un rapport, qui parfois contient même une conclusion. Et l’un de ces rapports, beaucoup plus pragmatique que les autres, a fait couler énormément d’encre, il y a environ 10 ans. Il a scandalisé beaucoup de mandarins. Il a fait réfléchir certains d’entre nous – je n’étais pas encore vigneron. Un vigneron, cela n’a malheureusement plus beaucoup le temps de réfléchir : cela travaille et cela s’applique à vendre. Un jour, j’écrirai un essai défendant la thèse suivante : « Si tu veux être un bon vendeur, ne réfléchis pas trop. »

 

Et le mec qui avait concocté le rapport – avec un peu d’aide, il le reconnaît lui-même – et l’a signé, il tenait un blog jusqu’il y a quelques jours. Il vient d’arrêter ... qu’y nous a dit. Et depuis qu’il a arrêté, un certain nombre de ses lecteurs ont redoublé de commentaires. Il est plus facile de commenter quelque chose qui n’a jamais été écrit.

 

Et, patatra, mon dogme du « nombre de neurones fixe » est ébranlé. Mais, illico presto, j’aperçois l’ouverture : si on peut « refabriquer » des neurones, je vais pouvoir remplacer tous ceux que ma – raisonnable (voir plus bas) – consommation de boissons contenant cet élément du diable, l’éthanol, m’a volés.

 

L’imprégnation argentique, une méthode de coloration tissulaire, mise en point par Santiago Ramón y Cajal, ironiquement en peaufinant la méthode de Golgi, lui permit de soutenir la théorie neuronale et accessoirement, de décrocher le Prix Nobel de Médecine en 1906. On note quand même que ce brillant cerveau se destinait d’abord à la cordonnerie après avoir voulu devenir coiffeur. Mais son papa, professeur d’anatomie, ne l’entendait pas de cette oreille et l’incita à faire des études de médecine. J’ai déjà entendu cela quelque part.

 

Camillo Golgi, lui, dont notre professeur de neuro-anatomie, un Hollandais à l’accent à couper au couteau, disait : « Golgi was een onvoorstelbare knoeier »*, ne partageait pas du tout les vues de l’Espagnol. Son père avait aussi été médecin et haut placé dans la hiérarchie administrative de leur contrée d’origine, ce qui valut au jeune homme de pouvoir commencer sa carrière dans le département d’anapath. de l’université de Pavie. Il reçut conjointement la distinction du Nobel en 1906. Il laisse aussi les premières descriptions du fameux « appareil de Golgi » et des observations intéressantes sur la régularité d’apparition des fièvres malariques. Vous dites : le « palud » en France.

 

[* Trad. = Golgi était un barbouilleur/une cruche brouillonne incroyable]

 

En gros, la pensée unique, qui n’est d’ailleurs pas démentie dans ses grandes lignes, du monde médical était :

 . les mammifères, une fois l’âge adulte atteint, ne « créent » plus de nouveaux neurones

. le cerveau est bien constitué, pour sa partie neuronale, de cellules individualisées, mais elles présentent des liaisons entre elles, appelées synapses (subst. féminin), qui permettent le transfert de molécules chimiques (et pas seulement d’influx électriques) grâce à des contacts entre les cytoplasmes respectifs

. les extensions périphériques des corps cellulaires, appelées axones et dendrites, sont capables de générer des influx électriques grâce à des canaux permettant des flux ioniques (de calcium, de sodium et de potassium chargés électriquement). Et ceci vaut du corps cellulaire vers la périphérie, mais aussi en sens inverse

. les cellules gliales, beaucoup plus nombreuses que les neurones, leur servent de berceau : soutien structurel, homéostasie, défense immunitaire. Mais elles aident aussi à la création de nouvelles synapses

 

Bon, alors, vers 2007 – j’étais au tout début de l’existence de la Coume Majou et mon information a été fragmentaire – sont apparues des nouvelles assez sensationnelles. A dire vrai, depuis 1984 au moins (travaux de Paton et Nottebohm) et jusqu’à la publication de l’équipe de Bergmann et al. en 2012, les neuroscientifiques travaillent beaucoup sur le sujet de la neurogénèse. Vous comprenez pourquoi : l’industrie pharmaceutique a identifié un marché beaucoup plus juteux pour ses actionnaires que le traitement des maladies infectieuses, des affections cardiaques ou même des tumeurs cancéreuses, le vieillissement. Les pompeurs de ressources allouées à la recherche s’appellent maintenant Alzheimer, Parkinson, Pick ... Il semble que leur dénominateur commun soit une perturbation de la neurogénèse.

 

Ce qui paraît établi, c’est que la partie basse de l’hippocampe (une zone du cerveau des mammifères faisant partie du « système limbique » et ayant trait à la mémoire et à l’orientation dans l’espace) ainsi que la zone sous-ventriculaire (plancher des ventricules latéraux du cerveau) voit apparaître de nouveaux neurones, contrairement au dogme centenaire de Cajal. Les cellules souches se spécialisent en neuroblastes et ensuite en neurones (en très petit nombre) mais aussi en cellules gliales. Notons que le fameux Prozac®, la pilule du bonheur, favorise cette évolution, entre autres fonctions. Les voies suivies au niveau du gyrus denté et de la zone sous-ventriculaire sont différentes. Pour cette dernière, les neuroblastes migrent vers le toit des ventricules, visitant ainsi le coin de la cave au grenier, puis ensuite vers la partie avant du cerveau, le bulbe olfactif. On explique ainsi la faculté de développer son sens de l’odorat.

 

Et maintenant, deux anecdotes ; vous savez que j’en suis friand.

 

Tandis qu’on m’avait confié la charge du département médical du géant pharmaceutique Bayer pour la Belgique, ce service recevait fréquemment des stagiaires venant d’Allemagne. L’un d’eux, ingénieur de formation et devant effectuer un court passage au contact du « public » pour parfaire son Ausbildung, avait atterri chez moi. Il était très aimable, anti-militariste convaincu, assez rétif à la discipline imposée par sa société (comme moi) et se débrouillait en français au même titre que je maniais raisonnablement bien l’allemand. Nous avons beaucoup appris l’un de l’autre. Il m’avait ainsi expliqué que son père, soldat dans la Werhmacht, n’avait pas lancé assez loin une grenade – c’est lourd, ces joujoux – et que la déflagration lui avait esquinté le nez. Il l’exposait en ces termes : « Ach, mon bère n’affait blus d’odeur ! ». Histoire vraie.

 

A peu près au même moment, j’ai commencé à être chargé du cours du soir d’oenologie et de dégustation de cette vénérable institution bruxelloise qu’est le CERIA (Centre d’Enseignement et de Recherche de l’Industrie Alimentaire). Je m’étais bien documenté pour mes cours et avais ainsi découvert que les cellules olfactives qui recouvrent une partie de notre épithélium nasal, dit pseudo-stratifié, sont beaucoup plus nombreuses chez le rat, mais aussi chez le chien, que chez nous. Cela n’a rien de surprenant.

 

Pourtant, la femme en possède plus que l’homme :

vous en tirerez la conclusion qu’il vous plaira.

 

 

 

 

PS : Pierre Arditi, interrogé hier sur France Bleu, disait « boire avec raison

        plutôt qu’avec modération ». Je l’approuve.

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Denis Boireau (vendredi, 17 janvier 2014 11:11)

    Ah me voila rassure! Tu n'es pas reste bloque sur le dogme de la non-generation de neurones chez l'adulte.

    A propos du Prozac, connais-tu le nouveau medicament ViaZac? C'est 50% de Viagra + 50% de Prozac. resultat: tu bandes pas mais tu t'en fout.

  • #2

    luc charlier (vendredi, 17 janvier 2014 22:46)

    Qu'il est con! Je me trompe TOUT LE TEMPS et n'ai aucun mal à le reconnaître. Normal, je me trompe MOINSSE que les autres! En outre, les neurones qui comptent (cognitifs) ne se renouvellent pas. Enfin, pour autant qu'on le sache. There's nothing above a good argument ! Je me fous d'avoir tort ou raison, du moment qu'on débat. Je me sens même capable de défendre, sans mauvaise foi exagérée, une opinion totalement différente de ma conviction sincère. J'aurais dû me faire avocat. Sauf que, dans le fond, j'suis plutôt un mec honnête.