MANU KATCHÉ, L’ÉLÉGANCE

Allez, c'est bougé, y a rien à voir ...
Allez, c'est bougé, y a rien à voir ...

 

 

 

Photos interdites !

 

 

 

 

 

 

La première fois que j’ai entendu le son sec et précis de ses baguettes sur des peaux, c’était dans l’album « So » du Gab’ (1986). Dès la deuxième plage, Sledgehammer, il captivait par le côté  « clean » de son soutien rythmique. Pourtant, l’album contient aussi des morceaux avec Jerry Marotta, un habitué de la « bande à Peter » au tabouret, ou encore Steward Copeland, excusez du peu comme pointures !

 

Une autre apparition fantastique, dans un autre registre, ce fut sur le génialissime « Carcassonne » de Stephan Eicher (1993). Le « Rom suisse » - en fait, son père était yéniche - y étale tout son expressionnisme musical et Manu Katché est un des atouts majeurs de cet album.

 

Mon troisième milestone est l’album « Dresden » de Jan Garbarek : pfff , quelle gifle !

 

Tiens, pendant que j’écris ces lignes, Kate Bush me susurre « Don’t give up ! », tandis que Tony Levine assène ses coups de massue à 4 Hz et que le doux Manu effleure son snare, à peine, et martèle le bass tom : boum boum boum. J’aime.

 

Hier soir, salle comble au Grenat de Perpignan, 1800 personnes je crois, avec un prix des places qui donne envie d’aller au concert : entre 16 et 23 €. Bien sûr, tous les pourris d’invités du Conseil Général et autres VIP étaient là aussi. Pour une fois, ils ne sont pas sortis avant la fin. Je suppose qu’il n’y avait pas d’ouillade ou de coustellous offerts à 22 heures, avec sangria en canette et gros rouge de coop. en sus !

 

La prise de photos est interdite durant le concert – vous connaissez mon point de vue sur les droits d’auteur et la propriété intellectuelle – et je n’ai rien pu faire d’autre que ce cliché flou, sorti tout droit d’un Coolpix L18, magnifique petit « pocket » qui vous offre jusqu’à 1600 ISO de sensibilité mais .... qui le fait automatiquement et ne vous permet pas non plus de régler la vitesse d’obturation. Je le tenais en outre contre ma poitrine (sans viser donc) pour que l’écran ne me trahisse pas trop.

 

Heureusement, l’écoute est permise dans la salle, elle, et nous ne nous en sommes pas privés. Sans doute mis en contact avec eux par l’intermédiaire de Garbarek, c’est à deux Norvégiens que Manu avait confié les cuivres : Nils Petter Molvaer et Tore Brunborg. Molvaer mélange des accents « à la Miles » à des envolées Pink Floydiennes, se servant aussi du pavillon de sa trompette pour renvoyer vers le micro une mélopée qu’il y chante par moments, retravaillée par une chambre d’écho et des algoritmes informatiques. A d’autres moments, on croit entendre les trilles de Freddie Hubbard. Brunborg, c’est le sax ténor « à l’ancienne », comme on l’aime : de longs phrasés se terminant complètement destroy, un bon coffre et des beuglements dans les graves qui font plaisir, comme Charles Lloyd ou bien Archie Shepp. Il m’a moins convaincu au soprano mais la salle, sans être froide, n’était pas surchauffée et j’ai souvent remarqué que le soprano « sonne mieux » quand il fait chaud, comme sous le chapiteau de Marciac en août, par exemple. Enfin, un britannique clavier complétait ces side-men : James Watson, du Nottinghamshire, a commencé le set sur un mode « en dedans » pour se lacher progressivement : le Steinway de l’avenue de la Gare l’a adopté, tant dans ses délires montant et redescendant le clavier avec fantaisie et invention que lorsqu’il le martelait en répondant à son batteur de leader – les meilleurs passages d’après moi. Quant au Hammond, quel vrai bonheur de continuer à l’entendre. C’est dans les arabesques style Keith Emerson ou John Lord qu’il me plaît le plus. Le moog ou les synthés plus évolués ne rendent jamais ce vibrato : nostalgie !

 

Et maintenant, c’est Stephan qui hurle « même ce que je ne voulais pas » devant le beat très primaire – sur ce morceau – de  « maître Katché ».

 

Bon, le drumming de Katché, tout le monde le connaît. « Elégant » est le meilleur adjectif. Lui prétend qu’il emprunte au jazz quand il joue dans un groupe de rock, et qu’il a des roulements « rock » avec les formations de jazz. Je crois plus simplement qu’il sait tout faire. Il va vite, très vite, et reste super-propre. Moi qui ne suis pas un grand fan des solos de batterie tonitruants, genre « tambourineurs du Rwanda », j’apprécie par contre son « volume global » quand il accompagne et ses explosions soudaines. Revenons au cliché « à la con » : il sait « battre comme un blanc » (voir le regretté Paul Motian) avec un usage subtil de sa grande ride notamment, et il possède aussi cette ryhtmique exceptionnelle que la légende n’accorde qu’aux Blacks (Elvin Jones p.e.).

 

On a passé une soirée de rêve, une heure et demie de pur bonheur avec un set timide lors de ses trois premiers morceaux, le public se manifestant à peine après la prise d’un solo (?). Puis le leader est venu dire quelques mots au micro et le vaisseau a pris son envol : longue saga nordique parfois (Peer Gynt n’est pas loin avec Molvaer), déchaînements de style Octurn aussi (soyons chauvins), et grandes ballades qui balancent bien.

 

Le rappel, exigé par un public enthousiaste, dura une demi-heure : un solo du chef d’abord. Bon, il s’est défoulé, le public a aimé – surtout les kids, nombreux – et moi ... cela m’a détendu. Ensuite, tout le monde s’est calmé aux accents planants d’une longue ballade napolitaine autour d’un thème simple et récurrent, repris en choeur par le public. Non seulement il a du talent et de l’élégance, Katché ; non seulement c’est un des accompagnateurs les plus intelligents et subtils de notre époque ; non seulement il est d’une sympathie et d’une simplicité fantastiques ; mais en plus, il sait faire marcher son monde.

 

Merci, Manu.

A la prochaine fois ! 

 

 

 

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