LES YEUX DANS LES YEUX À DEMPTÉZIEU

Le Demptézieu, Roxanne !
Le Demptézieu, Roxanne !

 

 

 

Je suppose

qu’on a dû

la faire

avant moi.

 

 

 

 

 

Vous savez, vous qui nous lisez, que notre clientèle dauphinoise compte pas mal de belles adresses dans l’Isère. La région est agréable et prospère, coincée entre Lyon et Grenoble pour sa partie nord, et jouxtant Valence et la Drôme plus au sud. L’association des cuisiniers de métiers fait preuve de beaucoup de dynamisme et y a compris qu’il vaut mieux favoriser l’émulation par un copinage encourageant le tourisme gastronomique plutôt qu’en se tirant la bourre dans une rivalité stérile et mesquine. Sincèrement, on a envie de passer une semaine entière entre les bonnes tables et les curiosités touristiques de la région. Malheureusement, « une semaine entière » de farniente ne fait pas partie du vocabulaire vigneron.

 

Nous avons profité d’une livraison à faire – salut, Pierre et Sylvie – et d’un départ vers la Belgique pour aller fêter la Saint-Valentin chez Corinne et Yves Bello. Ils ont repris un ancien café-épicerie de village dans le hameau de Demptézieu (au-dessus de Saint-Savin) pour le transformer en restaurant gastronomique et c’est le chef  qui préside l’association. Nous avons donc fait le détour vers Bourgoin-Jallieu – et une très sympathique chambre d’hôtes chez des agriculteurs céréaliers (blé, tournesol et surtout maïs) à Charbonnières - pour aller jouer aux amoureux de Peynet.

 

Cette soirée, souvent considérée comme un « piège à cons » commercial, ne permet pas de juger totalement de la créativité d’une table, mais par contre traduit toujours le professionnalisme d’une équipe. En effet, les restaurants de qualité font salle comble, présentent dès lors souvent un menu unique stéréotypé ce soir-là et s’efforcent de ne pas prolonger indûment le service .... pour ne pas empiéter sur les autres activités des couples. En outre, il s’agit le plus souvent de tables de deux couverts. Je n’ai pas dit que je portais un jugement de valeur sur les dîneurs préférant d’autres combinaisons mais reste moi-même assez traditionnel sur ce sujet !

 

Eh bien, nous avons été servis ! Arrivés de bonne heure (19h30’) après avoir fait halte à la délicieuse fromagerie artisanale du Murinais au-dessus de Saint-Marcellin, nous avons été installés à l’entrée de la salle à l’étage ... au-dessus du Stromboli ou du Popocateptl à deux doigts de connaître une éruption. Mais cela n’a duré que quelques minutes. Explication : la soufflerie de la hotte aspirante a connu une avarie soudaine faisant vibrer tout le plancher de l’étage au-dessus des pianos de manière réellement inquiétante et entraînant un vrombissement insupportable dans la salle principale au rez-de-chaussée. On suppose qu’un emboîtement s’est désolidarisé et a fait entrer en résonnance toute la structure. Le chef n’a eu d’autre choix que de faire travailler son équipe avec une extraction d’air fonctionnant au minimum, sous peine de voir déguerpir la moitié de sa clientèle ... ou s’effondrer le bâtiment.

 

Pourtant, les convives arrivant au fur et à mesure, l’équipe de salle a pu commencer son ballet. Ceux qu’on envoie en haut sont jeunes mais stylés et sportifs : j’ai vu arriver très essoufflés serveurs et serveuses portant plats bien chauds, seaux à glace et bouteilles, et redescendre ensuite quatre à quatre les assiettes vides vers la plonge. Nous n’avons pas attendu une seconde entre les plats et les tables voisines ont été servies dans leur ordre d’arrivée, sans coup férir. Comme vous le savez, je refuse de jouer au critique gastronomique : je n’en ai pas la compétence, mais pas la fatuité non plus. Je vous dirai simplement que le cocktail associant de la Chartreuse, un jus d’orange et un effervescent m’a réellement surpris, et par sa couleur, et par sa fraîcheur et par sa sensation en bouche. Ensuite, c’est le carré de féra qui emporta mon suffrage. Ce poisson des lacs (Genfer See notamment), présenté ici parfaitement désarrêté, offre une texture à la fois ferme et grasse, ainsi qu’un goût qui hésite entre la truite fario, l’omble chevalier (en un peu moins fin quand même) et le mérou. On n’en mange pas souvent, et alors c’est d’ordinaire « à la meunière » ce qui ne le met pas en valeur à mon avis.

 

Malgré la « chauffe » (plus de 60-70 couverts à mon estimation), Corinne a eu le temps de me préciser que c’est « son » équipe au grand complet qui officiait (sans extra) et nous offrait ce ballet bien réglé, tandis que le chef est venu « nous toucher la main », abandonnant un instant une brigade très affairée.

 

Et bien, moi j’va vous dire : des produits choisis avec soin, un ensemble de professionnels habitués à travailler de concert et la volonté que tout se passe au mieux ont attiré dans un tout petit village un nombre important de consommateurs exigeants qui ont passé une excellente soirée. Et il y avait du vin sur toutes les tables. Qu’on ne vienne pas me dire après cela que les gens n’aiment plus aller au restaurant et que les lois Evin ceci ou le cholestérol cela.

 

Full House, ce soir-là

au Demptézieu.

Full stop !

 

 

 

 

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