UN ARBOIS GRAND: QUELLE BOUFFEE D'AIR FRAIS !

L'Arbois Réserve 2000 fait plaisir à Pochtron 1er
L'Arbois Réserve 2000 fait plaisir à Pochtron 1er






Vous savez comme Léon

adore le phénomène

de concentration capitaliste, dans le vin encore plus

que dans les autres branches

de l'activité économique!











Or, comme le signale à bon escient mon excellent camarade Hervé Lalau, le groupe Boisset, pieuvre tentaculaire dont les bras s'étendent du Ponant au Levant vinicole, vient de (re)faire main basse sur un acteur majeur (en volume) du négoce du vin en Jura français, les créateurs du Vin Fou. Voilà encore 230 ha de vignes en plus pour le négociant bourguignon. Notons, paradoxe, que voici également autant de vignes qui n'oscilleront plus au gré de la bourse. En effet, en dehors évidemment des maisons de Champagne, seul Advini (en clair: Jeanjean and his boys) sera encore coté à la bourse de Paris car Henri Maire met fin à sa cotation dans le même temps.


Nous, nos contacts sont plus modestes, même si la famille Tissot (attention nombreux cousinages et homonymes, souvent de grande qualité également d'ailleurs) n'est pas à proprement parler une entreprise minuscule. Comme le chante l'éternel Canadien: - "Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé ..." et ils connaissent bien l'Arbois. En effet, autant l'éducation stricte que j'ai subie pesait lourdement sur mes épaules adolescentes, tant "l'école" y prenait de l'importance, autant le temps des vacances (scolaires bien évidemment) était riche en expériences et en découvertes. Nous en revenions d'ailleurs souvent beaucoup moins reposés qu'à notre départ, mon frère et moi: paradoxe des emplois du temps!


Et les gommes des pneumatiques prenaient généralement la place des semelles évoquées. En effet, nos parents disposaient de beaucoup moins de loisirs que l'Education Nationale et les déplacements s'effectuaient en toute hâte - avant l'époque des limites de vitesse, mais aussi avant celle des autoroutes omniprésentes. Ainsi, le coupé sportif de notre ophtalmologue de mère s'évertuait à couvrir au plus vite la distance qui sépare le Brabant tantôt du Revermont, tantôt du Doubs, tantôt de la Bresse et des noms comme Poligny, Salins, Saint-Amour, Arbois résonnaient à nos oreilles comme la promesse d'une poularde aux morilles, de Vin Jaune, de vin de paille et de toutes ces choses. Ce n'est généralement que le lendemain que mon père, au volant de la berline familiale, rejoignait la troupe, pour des sports d'hiver dont nous étions tous friands. C'était aussi l'époque où la frange active et volontariste de la bourgeoisie disposait de revenus décents, fruit de son travail.


Bref, le goût "traditionnel" fit très tôt partie de notre arsenal gustatif. 


Bien des années plus tard, déjà à l'époque des limites de vitesse mais surtout des restrictions budgétaires, j'ai rencontré à l'un ou l'autre salon ou bien au hasard de dégustations de presse plusieurs membres de la famille de Jacques Tissot. Son beau-fils de l'époque a tenté de me convaincre d'élargir aux rouges de sa région mon amour du vin d'Arbois. J'avoue que le poulsard, ni le trousseau dans sa version jurassienne, ne me bottent vraiment. 


Et c'est ainsi que j'ai fait plusieurs haltes en Arbois, pour d'autres raisons qu'un petit hommage à Louis Pasteur. Notez que, quand je me rends à Sète, ce n'est pas uniquement sur les tombes de Paul Valéry ou de Georges Brassens. Lors d'un de ces séjours, notre hôte - devenu vinaigrier pour avoir lui aussi son activité vineuse au sein de sa belle-famille - nous a bourlingués de long en large. Il venait de subir une intervention orthopédique et nous guidait - la chèvrière préférée de la Coume Majou était du voyage - de Pupillin à l'Etoile, de Château-Chalon à Granges, de Montigny à je-ne-sais-où, depuis le siège arrière où il disposait son plâtre. Lui était content "de sortir un peu" et nous avons profité avec délice de son expérience et de sa connaissance des lieux. 


Le soir, après quelques rouges que j'ai dégustés avec politesse et une réelle ouverture d'esprit - hélas sans changement d'attitude de ma part - une impressionnante série de chardonnays vénérables nous a été offerte. Quelle grande claque dans la figure !


Je suis passé à l'entrepôt le lendemain, en l'absence des patrons pour qu'on ne se sente pas obligé de me faire un cadeau que je ne méritais nullement, surtout après l'accueil adorable dont j'avais fait l'objet. J'en ai ramené douze bouteilles du vin que je vous présente aujourd'hui. Il a rejoint ma cave wemmeloise, intact, et puis celle de Corneilla, dans sa partie privative. Vous voyez, il n'y a pas que mes souliers qui ont beaucoup voyagé.


De temps à autre, j'ai ouvert un flacon de "ce vin si joli qu'on buvait en Arbois"

(J. Brel) et, à chaque fois, j'ai ressenti une douce joie au souvenir de ce beau séjour, mais aussi une petite déception: cette "Réserve" paraissait fluide, peu expressive. 


Et enfin, il y a 3-4 jours, le déclic s'est produit. Un bouchon intact, un niveau normal et pourtant une robe qui commence à se dorer et un nez aux accents oxydatifs, mais maîtrisés. En bouche, très jolie acidité et bon gras, avec comme une présence "tannique". Voilà mon Arbois qui se réveille, qui se montre, après 14 ans de captivité verrière.


Oubliées les petites déceptions, c'est en fait moi

qui n'ai pas eu la patience d'attendre!




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