MAILLOL ET LA STRATEGIE COMMERCIALE



Regardez comme

les ombres s'allongent.

Il est 19 heures environ 

et les "Allées Maillol",

les bien nommées,

de Perpignan 

sont vides de monde.

Pourtant, les "festivités"

de la Saint Jean

ont débuté depuis 

une heure.


Pathetic ! 






Un caviste, c'est comme cela que s'appellent les marchands de vin au détail en France, tient boutique à 8 heures sur le cadran d'une montre par rapport à ce point de prise de vue. il a fait défection d'une autre enseigne chez qui il était employé et ne se fournit pas chez le "grossiste" (une sorte d'association de producteurs ayant mis leur distribution en commun) le mieux représenté du département. 


C'est un choix. 


Il est copain avec Michel Smith, mais je crois que Michel a suffisamment de ... bouteille (hihi) au singulier que pour s'entendre avec tous les cavistes de notre région. Lors d'un divorce, certains croient qu'il faut prendre parti pour l'un des conjoints d'hier au moment de la séparation; moi pas. En commerce, c'est pareil: lorsque l'offre est plurielle, on peut panacher. 


Or donc, ce caviste, qui s'appelle Guillaume et c'est comme cela que nous le désignerons, est quelqu'un de sympathique. Il m'a avoué ne pas connaître mes vins - il n'est pas le seul - et je lui ai donc apporté une bouteille de Cuvée Majou pour qu'il la goûte. J'espère qu'elle lui a plu mais c'est sans incidence: nous ne livrons pas les détaillants de la moitié sud de la France. Pour tout dire, pas ceux de la moitié nord non plus, mais là nous aimerions bien que cela change. Pour eux, c'est affaire d'opportunité. Ainsi, en septembre une très belle cave du 20ème arrondissement tentera de proposer aux Parisiens trois références représentatives de notre gamme.


Pourquoi ce choix?

Je ferais un vendeur (salesman, VRP, camelot) pathétique mais crois avoir quelques notions de marketing, affutées par la formation du CEPAC en 1991-92. 


Christine visite un bon nombre de bons (nous pensons en fait TRES bons) restaurateurs dans 18 départements - and still growing - de la frange méditerranéenne, allant du nord de Cahors à l'ouest jusque Grenoble à l'est: 30 à 35.000 km par an, dont une partie en duo (avec votre serviteur). Elle n'a pas le temps de démarcher en même temps les cavistes sur cette zone.


Mais l'aurait-elle, ce temps, que nous ne le ferions pas cependant.

Je produis seulement 15.000 bt par an, souvent moins même. Et notre rendement est ridiculement bas, pour des raisons techniques, pas par volonté: rarement 15 h/ha et souvent beaucoup moins que cela sur des cuvées spécifiques. Or, le prix de vente d'un vin du Roussillon provenant d'un domaine dont la notoriété se développe à peine n'est pas dicté par la structure: prix de revient + marge bénéficiaire nécessaire. Il l'est par le prix du marché, bas et archi-bas.


Donc, nous vendons à nos restaurateurs les vins au prix le plus bas qu'il est possible de pratiquer pour ne pas faire de perte. Comme nous avons aussi d'autres débouchés (particuliers en direct et export), ceci nous permettrait de couvrir tous les frais (exploitation, production, financiers) et d'équilibrer les comptes à condition de vendre l'entièreté d'une récolte chaque année. Nous y étions environ il y a 3 ans, puis avons connu une baisse conjoncturelle et remontons doucement vers ce but. 


Ceci possède un autre avantage: le prix de nos vins reste concurrentiel à table, car ils sont de qualité reconnue et "passent bien" dès lors qu'un professionnel crédible les propose au client.


Ce tarif détermine aussi nos prix à la cave, qui sont sensiblement les mêmes que ceux de nos revendeurs en Belgique. Ce point est important aussi.


Or, les marges usuelles dans le sud de la France, et il ne m'appartient pas de les commenter, nous forceraient de vendre aux cavistes de la région, qui enlèvent quelques cartons à la fois, et au maximum une ou deux dizaines à l'année quand tout va bien, à un prix similaire voire inférieur à celui pratiqué à l'export, où on traîte par palette et où les frais d'expédition et d'importation sont également à prendre en compte. Cela n'a pas de sens.


Donc, l'option stratégique "dans le sud, nous ne servons QUE les restaurateurs" s'impose à nous. Mais elle a l'avantage collatéral de "protéger" ces mêmes restaurateurs d'autres approvisionnements. Je ne sais pas comment réagissent les clients qui voient un vin proposé à un prix X sur la table de leur restaurant préféré, et rencontrent ensuite ce même vin infiniment moins cher dans une vitrine, ou carrément dans la GD.


Bien sûr, si nos rendements à l'hectare étaient plus importants (marge meilleure à prix égal), ou si notre production était plus volumineuse (nécessité de volume de vente supérieur), ce raisonnement deviendrait boîteux.


Obtenir du bon raisin nécessite pas mal de travail 

(et une certaine dose de chance).

Le travail de cave pour élaborer du bon vin est facile.

Mais vendre ces satanées bouteilles s'avère beaucoup

plus compliqué que ce que j'avais envisagé dans mes

"worst case scenarios".



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