MAGISTER DIXIT

Knack Week-end 09/09/2009
Knack Week-end 09/09/2009

 


François Lurton élabore des vins de caractère mais modernes.

Luc Charlier dorlote son vieux carignan.

 

Deux pôles opposés

On ne peut trouver de plus grande différence qu’entre les vinificateurs François Lurton et Luc Charlier. François est le fils d’André Lurton, l’homme que tout le monde associe aux meilleurs Pessac-Léognan (Ch. La Louvière), mais qui, jadis, digne « superchampion de la qualité », a remis d’aplomb toute l’appellation Entre-Deux-Mers. Résultat : le Château Bonnet. Il n’est pas simple d’être le fils d’un tel père et, après dix ans de bons et loyaux services « à la maison », François s’est mis à sillonner le monde. En tant que vinificateur, il prend à présent presque 9 millions de cols à son compte par an : sud de la France, Chili, Espagne, Argentine et Portugal. Là où va l’envie, va la vie. François Lurton écume le monde à la recherche de bons terroirs viticoles et ne jure que par le genre de vin «de caractère mais moderne », que le marché apprécie.

Luc Charlier ne possède aucun antécédent familial pouvant servir de soutien ni d’inspiration dans cette voie. Il a quitté la Belgique – qui ne lui disait plus rien – pour aller faire du vin dans le sud de la France. Lui aussi se met à l’ouvrage avec une idée bien précise : rien que le fruité naturel.

François Lurton fait donc partout des vins « modernes ». L’archétype en est son « Fumées Blanches », un vin de sauvignon blanc, appellation Vin de Pays d’Oc, au nez très fin et sans aucune aggressivité, à la bouche sèche au goût néanmoins « gras » (disponible au prix de 6 € environ chez Van Hende à Gavere, www.vanhende.com). Son nom est inspiré du Fumé Blanc de la célèbre maison américaine Mondavi. (Voilà bien un retournement de l’histoire car jadis c’était les Américains qui empruntaient leurs noms de crus aux collègues français). François tient à recommencer tout depuis le début. Lorsque, à la fin des années ’90, il reprit le Mas Janneil (40 ha) à la famille Delonca, il fit arracher les vieilles parcelles de carignan, un peu en fin de course. A présent, il fait son vin au départ de 60 % de grenache noir, 20 % de syrah et 10 % de mourvèdre. Le résultat : un vin d’un beau rouge, appétissant, au boisé bien dosé et au fruit rouge très présent en bouche. (Disponible au prix de 10 € environ chez bon nombre de petits importateurs belges, info : eric.granger@françoislurton.com).

A l’opposé, Luc Charlier cajole son vieux carignan. Le vignoble se trouve sur une pente de schiste noir sur les hauteurs d’Estagel ; il fut planté en 1922. Ce cultivar produit souvent des vins par trop amers, surtout en cas de rendement élevé. Mais le coteau de Luc génère spontanément des rendements extrêmement bas. En outre, on assure un pigeage au pied de la vendange, comme cela se pratique pour le Porto dans les lagares de la vallée du Douro. (La souplesse naturelle de la voute plantaire n’extrait pas les tannins acerbes des pépins de raisin). La cuvée 2007 a reçu le nom de La Loute de Coume Majou (Coume Majou étant le nom du domaine viticole de Luc Charlier) ; il s’agit d’une bouteille exceptionnelle à plus d’un titre. Elle est aussi exceptionnellement réussie. Ce vin se caractérise par la profondeur du fruité (des cerises noires), recouvert par énormément de relief et soutenu par des arômes intenses et mûrs, qui garantissent une bonne aptitude au vieillissement et un développement en finesse. Les tannins en bouche sont souples et construits, fondus tout au long de la finale faite de fraîcheur. 

  

François Lurton et Luc Charlier : il faut choisir entre « beaucoup et bon » ou bien « peu et très bon ».

 

Herwig Van Hove

 

Traduction (fidèle): L Charlier